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DÉPÊCHES DU DUC DE WELLINGTON.

gleterre, l’aristocratie, écartée du pouvoir, a commencé une guerre ouverte avec la couronne, et l’on a entendu sortir de la bouche des lords des menaces qu’ils semblent avoir recueillies de leurs aïeux, au temps du roi Jean. L’Angleterre tout entière s’est émue à la mort de la malheureuse lady Flora Hastings, tuée par une calomnie du parti tory, et la lettre que la marquise de Hastings écrivit à la reine pour l’exhorter à défendre sa fille contre les imputations dont elle était l’objet, a montré en même temps quelle puissance est une aristocratie qui peut encore tenir un pareil langage. Qui peut avoir oublié les termes de cette lettre où lady Hastings dit à la reine que les châteaux de leurs ancêtres ont été bâtis à la même époque, que leurs priviléges ont été les mêmes, et qu’une femme qui a tenu la reine d’Angleterre enfant sur ses genoux, peut bien l’avertir qu’un jour, moins jeune et plus expérimentée, elle saura que le moindre geste, la moindre parole d’un souverain de l’Angleterre, agitent toutes les fibres du peuple anglais ? Et tandis que l’aristocratie se livre ainsi combat sur les marches même du trône, et lève souvent la tête au-dessus de l’enfant qui l’occupe, les doctrines démocratiques les plus violentes agitent l’Angleterre. Sans doute, l’Angleterre a subi souvent de telles crises, et elle en est sortie glorieusement ; mais elle avait alors à sa tête des Pitt et des Canning. Qui s’opposera, d’un côté, aux violences des chartistes et des radicaux, et, de l’autre, aux résistances dangereuses de la chambre haute ? Le duc de Wellington, l’homme le plus modéré de son parti, et en même temps le plus ferme dans ses principes, est peut-être destiné à rendre encore, dans ses vieux jours, cet éminent service à l’Angleterre ; du moins le voit-on aujourd’hui, à demi éteint, cassé et rongé par la goutte, employer le reste de son activité à opérer un rapprochement entre les hommes modérés des divers partis. Le tory qui a fait l’émancipation catholique réussira-t-il à soumettre le parti aristocratique à ses vues, et le plus constant adversaire des whigs parviendra-t-il à les calmer au nom de l’intérêt général du pays ? C’est ce qui est douteux ; mais, après avoir lu les lettres de lord Wellington, on ne saurait douter qu’il ne soit le seul homme qui puisse entreprendre une telle tâche. S’il réussit à l’accomplir, il aura rendu à sa patrie un service non moins grand que celui qu’il lui rendit autrefois à Waterloo.

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