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pression dans sa correspondance. Un officier-général du plus haut rang s’était retiré en Allemagne, après avoir refusé de servir Napoléon. On ne douta pas qu’il ne voulût concourir, avec les alliés, à rétablir sur leur trône les princes pour lesquels il s’était prononcé ; il répondit avec une noblesse qu’on appréciera en lisant cette réponse de lord Wellington à sa lettre. — « Le principe sur lequel vous vous fondez est généralement vrai et bon ; un galant homme ne peut pas servir dans les rangs des ennemis de sa patrie ; mais je ne crois pas que le cas existe. La France n’a pas d’ennemis que je connaisse, et, à ce que je sache, n’en mérite pas. Nous sommes les ennemis d’un seul homme et de ses adhérens, qui s’est servi de son influence sur l’armée française pour renverser le trône du roi, afin de subjuguer la France et de faire revivre pour nous les jours de malheur auxquels nous croyions avoir échappé. Nous sommes en guerre avec lui, parce que nous sentons tous que nous ne pouvons être en paix. C’est un malheur pour la France qu’elle devienne le théâtre de la guerre que cet homme nécessite, et dont il est la cause et le but ; mais il ne faut pas croire que cette guerre est dirigée contre elle. Au contraire, le roi de France, celui que vous désirez voir restauré au trône et servir, est l’allié de toute l’Europe dans cette lutte, dans laquelle je le crois aussi le vrai représentant des sentimens et des souhaits de la nation. Mais, quoique j’envisage l’état où nous allons nous trouver sous un point de vue différent de celui où vous l’avez envisagé, je ne me crois pas certain que je n’agirais pas dans ce moment comme vous vous proposez d’agir… Mais, quoique je convienne avec vous que vous faites bien de vous éloigner pour le moment, je vous conseille très fort de ne pas le faire pour long-temps. Quand les alliés entreront en France, la France ne peut pas rester neutre entre Bonaparte et l’armée, et elles. Tout donne à croire que la partie saine de la nation se rangera sous les drapeaux du roi ; et si cette espérance s’accomplit, si un grand effort se fait, c’est alors le moment où un homme comme vous devra se mettre en avant pour lever et organiser, former et commander l’armée française. »

Ce n’était pas seulement aux généraux dévoués à la cause des Bourbons, mais bien résolus à ne pas la servir dans les rangs des étrangers, que le duc de Wellington était forcé d’adresser des exhortations où cependant se décèlent ses pensées secrètes, comme dans la lettre qu’on vient de lire. Près du roi lui-même, parmi ses proches, ces sentimens s’étaient fait jour, et le chef des armées alliées ne pouvait voir sans inquiétude un parti tout français se former par des