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d’une manière honorable, et qui soit conforme au caractère militaire, écrit en même temps lord Wellington au prince de Hardenberg, malgré mon respect pour les puissances, qui en ont mis une partie sous mes ordres, je les prierai de me dispenser de les commander. » Il fut décidé qu’on les embarquerait en partie à Anvers pour un des ports prussiens, et qu’on ferait passer le reste en Prusse par la Hollande. Aussi le feld-maréchal anglais avait-il hâte d’en finir, car il sentait que tant d’élémens contraires ne pouvaient rester unis que par le succès.

Les dépêches que nous lisons révèlent ces inquiétudes sous toutes les formes. Lord Wellington écrit au duc de Feltre pour demander la promesse d’un commandement pour un officier dont on espère acheter, à prix d’argent, la place qu’il commande sur la frontière, et quelques jours après il mande par un billet un M. d’Hénoul pour une affaire de ce genre, à laquelle travaille une certaine dame, et il lui recommande d’amener la dame en question. L’affaire manqua parce que Napoléon, bien informé, destitua tout à coup de son commandement cet indigne officier. M. de Blacas jouait un grand rôle dans toutes ces affaires, et il sollicitait sans cesse des envois partiels de troupes dans certains départemens dont il se croyait sûr ; mais lord Wellington jugeait ces entreprises avec sa logique ordinaire. « Je vous prie de bien réfléchir sur le principe que je vais vous énoncer, écrit-il en français à M. de Blacas. La puissance de Bonaparte en France est fondée sur le militaire et sur rien autre, et il faut ou détruire ou contenir le militaire avant que le peuple puisse ou ose en parler. Pour opérer contre le militaire français en France avec effet, il faut des armées nombreuses, qui ne laissent pas la chose long-temps en doute. Si, pour favoriser une insurrection dans les communes, ou même dans les provinces dont vous faites mention, j’entrais en France dans ce moment, même soutenu et aidé par l’armée prussienne, j’aurais tout de suite sur les mains quatre corps d’armée, et peut-être cinq, et la garde, c’est-à-dire une force évaluée de cent dix à cent vingt mille hommes, outre les gardes nationales. Nos progrès, si nous pouvions en faire, seraient extrêmement lents. Le pays où les troupes seraient obligées de rester serait nécessairement vexé et grevé du poids de leur subsistance qu’il faudrait lui imposer, et vous trouveriez le désir de s’insurger affaibli, non seulement parce qu’on verrait la force armée insuffisante pour vaincre les premières difficultés, mais parce qu’on trouverait qu’il vaudrait mieux ne pas avoir des armées à nourrir. Ainsi, croyez-moi,