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DÉPÊCHES DU DUC DE WELLINGTON.

l’ouest sous les ordres du duc de Bourbon ; le duc d’Angoulême organisait de grandes forces dans le midi de la France. Toutefois un des agens de lord Wellington, qui avait quitté Paris le 5 avril, lui annonçait que toutes les troupes de ligne avaient reçu la veille l’ordre de se porter en avant sur la route de Fontainebleau. Un état de répartition des troupes françaises, que lui avait donné le duc de Feltre, ne lui semble pas exact, et il savait que chaque régiment d’infanterie était au grand complet. Lord Wellington estimait aussi que l’assemblée du Champ-de-Mai, convoquée pour le 15 par Napoléon, augmenterait ses ressources en excitant l’enthousiasme du peuple ; en cela, il se trompait.

Il n’y avait donc pas de temps à perdre, à son avis, et il fallait opérer avant le 1er mai. Vers la fin d’avril, l’armée prussienne, entre Rhin et Meuse, devait s’élever à 63,000 hommes ; le corps autrichien-bavarois, s’élevant à 146,000 hommes, devait passer le Rhin, de sorte que les alliés pouvaient entrer en France, à cette époque, avec 270,000 hommes, sans compter les Russes, qui commençaient à arriver du côté du Mein. D’un autre côté, le duc de Wellington estimait à 255,000 hommes les forces de Napoléon, et, en déduisant les troupes employées à Bordeaux, aux Alpes et dans la Vendée, il ne voyait que 180,000 hommes disponibles.

Ce calcul pouvait être exact ; mais les alliés avaient de grands embarras en Belgique, et chaque lettre du duc de Wellington révèle quelques-unes de ces difficultés journalières, petites et grandes. Tantôt le comte de Blacas, ayant appris que M. de Vitrolles a été retenu en otage en France, demande qu’on signifie à Napoléon que la vie de son fils et des siens, retenus par les puissances, répondra de celle de M. de Vitrolles, que M. de Blacas croit en danger. À quoi lord Wellington répond qu’une telle menace ne sauverait pas M. de Vitrolles, s’il était en danger, et deviendrait la chose la plus ridicule du monde, c’est-à-dire une menace sans effet, et une menace que celui qui l’aurait faite n’aurait pas le pouvoir de mettre à exécution. Néanmoins il envoie la demande à Vienne. Une autre fois, c’est le corps saxon qui refuse de se laisser mettre sous les ordres des généraux prussiens, se révolte à Liége, et en chasse le pauvre vieux Blücher, ainsi que le nomme lord Wellington en écrivant à lord Clancarty[1]. « Si ces troupes ne se tirent pas de leur affaire d’hier soir

  1. The Saxons mutined last night at Liége, and obliged poor old Blücher to quit the town. — 3 mai 1815.