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DÉPÊCHES DU DUC DE WELLINGTON.

de fond en comble. Tout le monde est pauvre en France, ajoute-t-il ; et ce qui rend à ses yeux ce mal sans remède, ce qui l’aggrave, c’est que les institutions empêchent qu’aucune famille devienne riche et puissante. N’oublions pas que lord Wellington a toujours été l’adversaire de la démocratie, comme l’est tout bon gentilhomme anglais, et ne nous étonnons pas s’il attribue la première fuite des Bourbons à l’absence d’un principe qu’ils ont voulu ramener plus tard, et dont la manifestation dans leur gouvernement a hâté le moment de leur troisième chute.

Toute propension aristocratique mise à part, le jugement de lord Wellington est plein de justesse. Il voit dans le peu de fortune des familles la nécessité pour tous de viser aux emplois publics, non comme autrefois pour l’honneur de les remplir, mais pour avoir de quoi vivre, c’est le terme très français qu’il emploie. « Bonaparte, ajoute lord Wellington, laisse une armée d’un million d’hommes en France, outre les officiers prisonniers en Angleterre et en Russie. Le roi ne peut en maintenir un quart. Tous ceux qui ne sont pas employés sont mécontens. Bonaparte gouvernait directement la moitié de l’Europe et indirectement presque l’autre moitié. Pour des causes à présent bien développées et bien connues, dit-il, il employait une quantité infinie de personnes dans ses administrations, et tous ceux qui étaient employés ou dans les administrations extérieures civiles, ou dans les administrations militaires des armées, sont renvoyés, ainsi que beaucoup de ceux qui étaient employés dans les administrations intérieures. À cette classe nombreuse ajoutez la quantité d’émigrés et de personnes rentrées, tous mourant de faim, et vous trouverez que plus des trois quarts de la société, employés à la main-d’œuvre ou à labourer la terre, sont en état d’indigence, et par conséquent mécontens. Si vous considérez bien ce tableau, qui est la stricte vérité, vous y verrez la cause et la nature du danger du jour. » Je ne crois pas qu’on puisse exposer d’une manière plus sèche et plus rigoureusement exacte la situation politique d’un pays.

Après cette lettre, j’en lis une où, pour la première fois, je ne trouve pas la logique ordinaire du duc de Wellington. On se demande en même temps comment elle a pu trouver place dans une collection de dépêches politiques. Elle est adressée au prince de Wagram, et la voici : « Monseigneur, j’ai une meute des meilleures races d’Angleterre, dont je ne peux pas faire usage dans les circonstances où je me trouve, et que je désirerais offrir à sa majesté. Je prie votre altesse de mettre cette offre sous les yeux de sa majesté, de telle manière que sa majesté puisse me faire l’honneur de la regarder