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vons apaiser le ressentiment d’une nation voisine, contre laquelle nous a lancés le despotisme le plus perfide. » Plus loin, on lisait que les Bourbons étaient conduits « par leurs généreux alliés. »

Cette proclamation fut à peine connue de lord Wellington, qu’il adressa au duc d’Angoulême la lettre suivante : elle est écrite en français et datée d’Aire, le 16, à dix heures de la nuit :

« Monseigneur, j’ai eu l’honneur de recevoir la lettre de votre altesse royale du 15, et je me ressouviens parfaitement de la conversation que j’ai eu l’honneur de tenir avec votre altesse royale.

« Je ne sais pas quels ordres votre altesse royale veut que je donne aux troupes à Bordeaux. Sa majesté Louis XVIII y a été proclamé, et je ne crois pas que M. le maréchal Beresford se soit mêlé d’aucune manière du gouvernement. J’espère que votre altesse royale me fera savoir ses volontés.

« Pour ce qui regarde le pays où a passé l’armée, votre altesse royale me permettra de lui dire que jusqu’à ce que je croie l’opinion de Bordeaux plus prononcée qu’elle n’a été jusqu’à présent, et que l’adhésion soit faite par d’autres villes, je ne peux pas, selon les idées que j’ai de mes devoirs envers ceux que je sers, et dont je possède la confiance, faire des démarches pour forcer la soumission à l’autorité de votre altesse royale. Je ne me refuserai pas à ce qu’on proclame le roi, mais je prie votre altesse royale de m’excuser, au moment actuel, d’y prendre une part quelconque.

« J’avoue à votre altesse royale que, si je n’étais pas porté à cette décision par mes devoirs envers les souverains dont je commande les armées, je le serais par la proclamation de M. le maire de Bordeaux, du 12, faite, je l’espère, sans le consentement de votre altesse royale, comme elle l’a été sans avoir été soumise au maréchal Beresford. Il n’est pas vrai que les Anglais, les Espagnols et les Portugais « se soient réunis dans le Midi de la France, comme d’autres peuples au nord, pour remplacer le fléau des nations par un monarque père du peuple. » Il n’est pas vrai « que ce n’est que par lui que les Français peuvent apaiser le ressentiment d’une nation voisine, contre laquelle les a lancés le despotisme le plus perfide. » Il n’est pas vrai non plus, dans le sens énoncé dans la proclamation, que « les Bourbons aient été conduits par leurs généreux alliés. »

« Je suis sûr que votre altesse royale n’a pas donné son consentement à cette proclamation, parce que c’est contraire à tout ce que j’ai l’honneur bien souvent de lui assurer ; et, pour montrer à votre altesse royale combien peu je dois avoir confiance dans les actes du