Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/773

Cette page a été validée par deux contributeurs.
753
DÉPÊCHES DU DUC DE WELLINGTON.

je voyais les affaires sous un aspect militaire seulement, j’aurais dû y aller, parce qu’il n’y a pas de doute que Bonaparte tient en Catalogne, et tiendra les facilités pour rentrer en Espagne. Je dis peut-être parce que, dans ce diable de pays, où j’ai fait la guerre pendant cinq ans, j’ai toujours trouvé, comme votre Henri IV, qu’avec de petites armées on ne faisait rien, et qu’avec de grandes armées on mourait de faim ; et je sens qu’avec les moyens que j’ai, et le temps que je pourrais y donner, je ne pourrais pas établir les choses comme elles devraient être pour tenir en campagne les forces que nous y avons, et que nous pouvons y introduire. D’ailleurs, il faut que l’armée purement militaire cède à la politique : J’ai vu la marche des affaires en Allemagne ; et, malgré les revers très grands qui sont arrivés, j’ai cru voir les germes des succès très considérables qui sont depuis arrivés.

« Si je ne me suis pas trompé, il est bien plus important aux alliés et à l’Espagne même que je me porte en avant en France, au lieu de faire une guerre désastreuse en Catalogne. Même, en vue militaire, je dirai que, s’il est vrai que Bonaparte ait passé du côté du Rhin, comme il le paraît, et que je le presse aussi du côté des Pyrénées occidentales, il n’a pas les moyens de se renforcer en Catalogne ; et les forteresses tomberont d’elles-mêmes par suite des opérations ici ou ailleurs, et des blocus qui sont établis. Ainsi, tout considéré, je me suis déterminé à porter la guerre en France de ce côté-ci, et j’ai en mon pouvoir de la rendre vigoureuse autant que les circonstances le permettront. Je crois et j’espère que je ne me suis pas trompé.

« Je vous envoie la proclamation que j’ai faite en entrant. Le pays ne nous est pas contraire, les paysans ne nous font point la guerre ; ils vivent très contens avec nos soldats dans leurs maisons ; les propriétés sont respectées, et, à l’exception des Espagnols que j’ai envoyé cantonner en Espagne, on n’a pas fait de mal.

« Je crois que nous approchons de la fin de la tyrannie la plus atroce et la plus dégoûtante qui ait jamais affligé le monde, et que, si nous avons une autre campagne, il y aura des révolutions plus importantes pour le monde qu’aucune de celles qui sont arrivées. »

Heureusement ou malheureusement peut-être, les destinées de la France ne dépendaient pas des conseils de Dumouriez. La grandeur et le prestige de l’empire avaient disparu, et il ne restait plus que la tyrannie impériale, quand lord Wellington écrivait au vieux fugitif du camp de Braille la lettre qu’on vient de lire. Au nord, Blücher passait l’Aisne, et, tandis que le général anglais veillait à ce que les