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rassent des caissons d’un général ennemi, sans trouver dans ses papiers une correspondance avec Dumouriez, ou quelque plan du général émigré, pour détruire nos forces et hâter l’invasion. Comme il y avait de la vertu et de la grandeur antiques dans les premières années de Dumouriez, il y avait de la haine et de la colère antiques dans sa vieillesse irritée. S’il n’a pas joué le rôle de Coriolan, ou du moins celui du général Moreau, dans la guerre de l’invasion, c’est que son grand âge ne lui a pas permis de paraître sur les champs de bataille ; mais sa pensée y était, et, de Londres, il correspondait activement avec les chefs des armées ennemies. Ceux-ci lui annonçaient aussi régulièrement nos défaites, et le recueil des dépêches de Wellington renferme un certain nombre de pièces de ce genre, parmi lesquelles je choisis cette remarquable lettre. Elle est en français :

« Mon cher général, il y a long-temps que je ne vous ai écrit, et j’ai devant moi vos lettres jusqu’au 1er  novembre, auxquelles je n’ai pas répondu. Je vous suis obligé pour vos nouvelles d’Allemagne, et vos réflexions sur les évènemens de ce côté-là. J’ai les nouvelles du général Stewart jusqu’au 19 octobre, et celles de Bonaparte jusqu’à son arrivée sur le Rhin. Je respecte la facilité et l’habitude de marcher qu’ont les troupes françaises, mais je ne veux pas croire que les troupes battues à Leipzig, qui avaient quitté Erfurt le 25, aient pu arriver en assez grand nombre pour se battre contre 7,000 Autrichiens et Bavarois sous le général de Wrède à Hanau. Ainsi je crois que Bonaparte est arrivé avec sa garde, quelque cavalerie et artillerie, et les plus forts du reste de son infanterie, les autres ayant été abandonnés comme en poste, n’étant peut-être pas suivis de très près, et que le général de Wrède lui a donné un pont d’or, n’ayant pas cru possible de lui faire une résistance de fer. Voilà mes spéculations sur les dernières affaires en Allemagne. Mais il est possible que le bulletin sur les affaires du 29 et du 30 soit entièrement faux, et que l’armée française soit, comme on le dit, entièrement détruite.

« Vous aurez vu les rapports sur nos dernières affaires ici, depuis lesquelles nous sommes entièrement arrêtés par les pluies, et absolument embourbés. D’ailleurs, les terrains sont remplis d’eau, et j’ai été bien aise de pouvoir cantonner l’armée, qui, sans exception des Espagnols, est plus en état de faire une campagne d’hiver qu’aucune armée que j’aie jamais vue.

« La Catalogne m’a donné bien des mauvais momens pendant l’automne, et j’ai bien souvent pensé à y aller.

« Peut-être que, si je regardais seulement l’Espagne, ou même si