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DÉPÊCHES DU DUC DE WELLINGTON.

néraux des autres corps eussent fait la moindre démonstration pour défendre ces deux importantes conquêtes. La guerre de Russie avait forcé Napoléon à retirer de l’Espagne ce qui restait de sa garde, les belles légions polonaises et les débris de sa cavalerie légère. Cependant le maréchal Soult tenait l’Andalousie avec quarante-cinq mille hommes, le maréchal Marmont était à Salamanque avec un corps d’armée aussi nombreux, et le général Souham occupait la Vieille-Castille avec douze mille hommes. Dans la Manche, sur le Tage, à Madrid, le roi Joseph avait sa garde et l’armée du centre ; le maréchal Suchet était maître de l’Aragon et du royaume de Valence. Malheureusement, en présence de l’ordre, de la rigidité, de la discipline et d’une direction unique, qui se trouvaient dans le camp de lord Wellington, nos maréchaux étaient en rivalité constante sous le commandement fictif du roi Joseph, et on les voyait plus occupés les uns des autres que de l’ennemi. Toutes ces dépêches de lord Wellington, ces ordres détaillés, ces recommandations répétées, qu’on peut maintenant parcourir, donnent la clé de ses succès. En voyant la constante abnégation qu’il fait de lui-même, on comprend enfin comment il a triomphé de ces grandes réputations militaires, de ces généraux tant occupés de leur personnalité. Si seulement deux de nos généraux avaient pu s’entendre dans l’intérêt de la patrie, dix fois lord Wellington, entouré de trois ou quatre armées françaises, répandues, il est vrai, sur une vaste étendue de pays, eût été coupé, enveloppé et détruit avec toute son armée, malgré tout l’appui que lui donnaient le gouvernement et le peuple espagnols. Mais quand le roi Joseph, craignant pour le corps du maréchal Marmont, vers lequel se dirigeait lord Wellington, envoyait à l’un de ses collègues l’ordre de se porter en avant, celui-ci ne faisait marcher que des forces insuffisantes, et souvent dans une autre direction que celle qui lui était indiquée. Quant au maréchal Marmont, son malheur, — et il faut bien croire à ces influences funestes, puisque tout le talent militaire, l’instruction immense, l’intrépidité et le coup d’œil parfait du duc de Raguse ne l’ont pas préservé de ses défaites, — son malheur constant le suivait en Espagne, et sa brillante valeur, trahie par l’impétuosité irréfléchie de ses généraux de division, le perdit à Salamanque. Dès ce moment, l’Espagne, on pourrait dire l’empire, fut perdu pour Napoléon. L’abandon de Madrid et de toute la Nouvelle-Castille, l’évacuation de l’Andalousie, la perte des travaux élevés à Cadix, furent les premiers résultats de la bataille de Salamanque, et il ne fut pas donné au maréchal Soult, qui se trouvait plus tard à la tête de quatre-vingt mille