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REVUE. — CHRONIQUE.

Mexique. Ce passage annonce évidemment qu’une médiation a eu lieu de la part de l’Angleterre. Or, la gauche ne veut pas entendre parler de cette médiation, et les ministres du centre gauche eux-mêmes ont nié à la tribune que cette médiation ait eu lieu. C’est, en effet, ce que disait M. Teste dans la séance du 26 juin dernier. « Les instructions de M. l’amiral Baudin, disait le ministre, portaient qu’il devait décliner la médiation de toute puissance neutre ; mais le traité du 9 mars n’a pas été conclu par la médiation d’une puissance tierce, et les instructions ont été suivies. Qu’y a-t-il de remis, non à la médiation, mais à l’arbitrage d’une tierce puissance ? C’est l’appréciation des indemnités respectivement prétendues. Il ne faut pas confondre les deux choses. »

Ces explications ministérielles ne sont pas satisfaisantes, et le ministre qui les a données nous semble avoir lui-même mal apprécié les faits. Les instructions que l’amiral Baudin reçut de M. Molé, le 23 août 1838, ne renfermaient rien de relatif à une médiation quelconque. L’amiral devait simplement exiger trois points : le traitement de la nation la plus favorisée pour les sujets français, l’exemption pour nos nationaux des taxes de guerre et emprunts forcés, et la liberté de faire le commerce de détail. Ces demandes furent notifiées au gouvernement mexicain, représenté dans les conférences de Xalapa, par M. Cuevas, et l’amiral Baudin y ajouta une demande d’indemnité pour les frais de l’expédition. Ces conférences restèrent sans résultats. Bientôt une escadre anglaise, plus forte que la nôtre, se présenta dans le golfe du Mexique ; et M. Packenham, ministre d’Angleterre au Mexique, offrit à notre amiral la médiation de son gouvernement. L’amiral Baudin répondit en demandant l’éloignement immédiat de l’escadre anglaise, ce qui lui fut accordé, et il ne tarda pas à informer le gouvernement mexicain et le ministère anglais que la médiation de l’Angleterre n’avait pas été acceptée à Paris. Une dépêche ministérielle mettait, en effet, l’amiral Baudin dans l’alternative de faire accepter ses conditions par le gouvernement mexicain, ou de s’emparer du fort de Saint-Jean-d’Ulloa. Il était dit, dans cette dépêche, que ce n’était qu’après avoir fait sentir à la république mexicaine la force de nos armes, qu’on pourrait prêter l’oreille aux offres de médiation de l’Angleterre. Ainsi, en effet, la médiation de l’Angleterre n’avait pas été acceptée à l’époque des conférences de l’amiral Baudin avec M. Cuevas. Après la prise du fort de Saint-Jean-d’Ulloa, l’amiral Baudin insista de nouveau sur les conditions qu’il avait établies, et la médiation de M. Packenham amena les parties à s’entendre sur différens points. En acceptant cette médiation, l’amiral ne s’écartait pas des instructions contenues dans les dépêches ministérielles qui, en lui enjoignant de refuser, dans tous les cas, l’arbitrage de l’Angleterre, ne lui permettaient d’accepter son office comme médiatrice, qu’autant qu’il se serait mis en possession du fort de Saint-Jean-d’Ulloa. Ainsi s’explique le passage du discours de la couronne d’Angleterre, relatif à la part qu’elle aurait prise au rétablissement de la paix entre la France et le Mexique.