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REVUE. — CHRONIQUE.

où il était avant la bataille de Nézib, l’Angleterre ne serait pas d’accord avec la France, et une autre phrase du discours de la couronne, se trouverait ainsi contraire à la vérité.

Pour les journaux anglais, ils continuent d’attaquer la France avec acharnement. La guerre avec le Mexique, le blocus de Buénos-Ayres, l’affaire de Portendic, n’ont pas épuisé la colère de nos voisins, et maintenant ils en reviennent aux projets qu’ils nous prêtaient, il y a quelque temps, contre le bey de Tunis. On sait que nous avons adressé quelques réclamations à ce bey. Il s’agit du remboursement des frais d’une expédition maritime à la Goulette pour le protéger dans un cas difficile, et de la réclamation d’un négociant français au sujet d’une spoliation qu’il a subie, et ces difficultés ont amené, dit-on, le gouvernement français à parler de l’envoi de quelques bâtimens devant la côte barbaresque. Les journalistes anglais se hâtent aussitôt d’annoncer que nous avons l’intention de réaliser ce qu’ils appellent notre projet favori, qui serait l’occupation de toute la côte d’Afrique dans la Méditerranée. Selon eux, une expédition sur la plus large échelle, se préparerait pour s’emparer du fort de Keff, qui est la clé de tout le pays du bey, afin de le forcer de payer à la France le tribut qu’il payait autrefois au dey d’Alger. Le Courrier anglais remarque à ce sujet que la possession de la côte de Tunis donnerait à la France une plus belle position dans la Méditerranée que l’occupation d’Alger, et il montre tout notre machiavélisme, qui a consisté à défendre d’abord le bey de Tunis contre la vengeance de la Porte, afin de rompre les liens qui existaient entre lui et son suzerain, puis à lui chercher querelle pour s’emparer de son état après l’avoir isolé. Par malheur, nous ne sommes machiavéliques qu’aux yeux des journalistes anglais, et notre désintéressement, souvent excessif, n’est que trop facile à établir.

Dans cette affaire de Tunis, par exemple, nos réclamations sont de celles qui ont lieu tous les jours près des chefs des états barbaresques, et c’est l’Angleterre qui en élève d’ordinaire plus souvent que toute autre puissance, quelquefois même sur de très légers motifs. On sait que l’Angleterre a préparé depuis long-temps l’établissement de son patronage à Tunis, par l’envoi du colonel Considine, qui commande actuellement les troupes du bey. Assurément, la France a fait un grand acte de tolérance en s’abstenant de toute plainte à ce sujet, elle qui a le plus grand intérêt à surveiller les mouvemens du bey, accusé d’avoir pris part à toutes les tentatives d’Abd-el-Kader contre la domination française. L’attention que met la France à ne donner aucun prétexte de se plaindre de ses actes, à Tunis, va si loin, que sous le ministère du 15 avril, le gouvernement aima mieux renoncer à l’exploitation d’une forêt qui nous appartient à la Calle, que d’entamer des discussions avec le bey. Les limites, confuses sur beaucoup, de points, étaient tracées d’une manière incontestable sur celui-ci. Le président du conseil répondit au maréchal Vallée, qui le priait de lui tracer une ligne de conduite, qu’il valait mieux renoncer à quelques arbres que de nous susciter des difficultés avec l’Angleterre qui ne