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Guiscard qui, d’excommunié, était devenu son protecteur. « J’ai aimé la justice, j’ai détesté l’iniquité, voilà pourquoi je meurs dans l’exil ! » Telles furent les dernières paroles du fougueux pontife, rappelé un peu tard à la modération. La statue raide et sans expression que l’on a placée debout sur son tombeau, est censée les prononcer ; elle semble plutôt inquiète de se bien tenir.

Ce tombeau a été restauré comme l’église, mais à une époque plus reculée, en 1578 ; ce n’est donc pas un monument du XIe siècle, mais du XVIe. Ce fut l’archevêque Marsilio Colonna qui dirigea cette restauration, et qui fit placer sur l’une des faces du sépulcre l’inscription suivante, curieux monument du plus vivace esprit de parti. Cette inscription nous prouve qu’après cinq siècles les passions qui avaient armé le terrible Hildebrand vivaient encore dans toute leur âpreté

GREGORIO VII. PONTIFICI OPTIMO MAXIMO
ECCLESIASTICÆ LIBERTATIS VINDICI, ACERRIMO ASSERTORI
CONSTANTISSIMO
QUI DUM ROMANI PONTIFICIS AUCTORITATEM ADVERSUS
HENRICI PERFIDIUM STRENUE TUERETUR,
SALERNI SANCTE DECUBUIT.
AN. D. MLXXXV. KAL. JUNII.

La cathédrale de Salerne ne renferme que de très médiocres peintures.

Les aqueducs, qui remontent aussi au temps des Normands, sont au nombre de deux. Leurs lignes légères aboutissent à un petit ravin solitaire situé à l’est de la ville, derrière le château. Là, sans doute, étaient placés les réservoirs. Ces aqueducs allaient prendre les eaux des meilleures sources de la vallée d’Ajello, et les conduisaient dans la ville aux portes de laquelle leur double ligne se coupe à angles droits. Leur construction est la même que celle de l’aqueduc de la vallée de Vietri ; seulement les proportions sont plus grandes, et l’ensemble plus svelte, s’il se peut. La partie qui traverse la vallée se compose de deux rangs de voûtes ogivales superposées et fort irrégulières. Des pans entiers de ces aqueducs se sont écroulés et n’ont pas été réparés, de sorte qu’ils ne sont plus aujourd’hui d’aucun usage. Aussi, à Salerne, les eaux sont-elles généralement fort mauvaises.

En remontant le ravin des aqueducs, on arrive au pied du rocher sur lequel le château est construit. Ce rocher se détache d’une chaîne de petites collines rocailleuses et incultes en grande partie. En suivant un sentier à peine tracé dans la roche, le long du mauvais mur qui sert d’enceinte à la ville de ce côté, on arrive à un petit col situé entre le château et la dernière de ces collines sur laquelle on a construit une grosse tour, espèce d’ouvrage avancé du château. Cette tour, postérieure au château, et dont l’appareil est très régulier, n’a point été ruinée comme lui. Elle ne sert guère aujourd’hui qu’à tendre des filets pour prendre des palombes. Le château, saccagé à diverses reprises, n’offre plus qu’un monceau de ruines. Ses débris couvrent tout le sommet du rocher et forment de loin une décoration des plus pittoresques.