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ce pays tristement déchu de tant de gloires. Le gouvernement sarde, lui-même, si prévenu en général contre les efforts de l’intelligence, si hostile au développement littéraire, s’est associé à cette généreuse pensée et a fait publier, sous le titre général de Monumenta patriæ, les premiers volumes d’une vaste collection historique. Parmi les savans qui, dans leur sphère, coopèrent à ce mouvement érudit, il est juste de distinguer deux comtes piémontais, M. Sclopis et M. Balbo. Une très estimable Histoire de la législation piémontaise, depuis le XIIe siècle jusqu’à Philibert-Emmanuel, a été publiée par M. Sclopis. Le nom du comte Balbo se rattache aussi à de remarquables travaux historiques et mérite d’être connu en France.

Les quelques lettres publiées dans le Courrier Français, en 1819, par Augustin Thierry, et qui depuis ont donné tant d’ardeur et d’éclat aux recherches sur l’affranchissement des communes, portent leur fruit à l’étranger, et de toutes parts, grace à notre grand historien, l’attention se tourne vers la révolution municipale du XIIe siècle, que la vaste collection qu’il prépare éclairera d’un jour nouveau. Comment faut-il procéder dans l’étude des communes italiennes ? Tel est le but du livre publié par M. le comte Balbo. Cet ouvrage, qui porte l’empreinte d’un esprit impartial malgré sa vivacité, et surtout d’une haute intelligence des devoirs de l’historien véridique, cet ouvrage, sans arriver à des conclusions anticipées et rigoureuses, en fait pressentir d’assez différentes de celles qui ont été proposées jusqu’ici sur les municipes italiens. Deux questions se présentent entre autres à M. Balbo, et on voit qu’il est très préoccupé des influences de la domination grecque, après les Goths, et du rôle des évêques dans le développement communal au-delà des Alpes. En tout son livre se montrent une érudition variée et étendue, une critique nette et vive, un ordre lumineux et précis.

Personne mieux que M. Balbo ne saurait jeter une vive lumière sur les vicissitudes de la constitution des cités lombardes, et la critique française ne peut que l’encourager dans ces excellentes études. M. Balbo d’ailleurs est très attentif aux publications étrangères sur des sujets analogues ; il les traduit, il les annote. C’est ainsi que, sans en partager les théories exclusives, il a été amené à donner, en italien, le très systématique ouvrage du docteur Leo, dont nous allons parler. Déjà M. Eichorn, dans le journal de jurisprudence de Berlin, en 1815, s’était à peu près placé à ce point de vue, dont M. Leo ne peut guère revendiquer la priorité.


Vincende della constituzione delle citta lombarde di Enrico Leo ; traduzione dal tedesco del conte Balbo[1]. — Il est dans l’histoire de l’Italie une époque obscure et jusqu’à ce jour observée d’une manière incomplète, malgré son importance ; c’est la triste et sanglante période qui s’étend de l’arrivée des barbares jusqu’à la paix de Constance. L’Italie, tant de fois disputée, subit tour à tour les invasions lombardes, franques et allemandes. Les traditions d’un passé toujours lent à s’effacer et toujours puissant sur l’avenir se transforment au milieu des élémens nouveaux apportés par la barbarie, et c’est là, sous des ruines, qu’il faut chercher le secret des institutions politiques au moyen-âge, et la raison des évènemens qui suivirent tant de rapides conquêtes. M. Henri Leo, en écrivant l’histoire des

  1. Torino, 1838, in-8o.