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Le consul anglais eut la bonté de me communiquer un état de mouvement commercial du port de Honolulu, le seul de tous ceux des îles Sandwich qui soit habituellement fréquenté par les navires étrangers. Cet état embrasse les années 1830, 31, 32, 33, 34 et 35, et donne une idée assez exacte des relations de ce pays ; mais, je le répète, on aurait tort de juger de l’importance commerciale que les îles Sandwich pourront acquérir, par ce qu’elles sont aujourd’hui : les circonstances que je viens d’énumérer et d’autres encore pourront développer rapidement les ressources qu’elles renferment, et en faire un entrepôt important, sinon un marché considérable, pour les marchandises européennes.

La position géographique des îles Sandwich appelle encore sur elles l’intérêt sous un autre point de vue ; placées, quoiqu’à une grande distance, en regard des possessions russes du Kamstchatka, elles ont, depuis long-temps, attiré l’attention du gouvernement moscovite. Sur dix-huit bâtimens de guerre qui ont visité ces îles depuis 1825, on compte quatre bâtimens russes. Si une guerre venait à se déclarer entre l’Angleterre et la Russie, nul doute que chacune de ces deux puissances ne cherchât à s’en emparer, dans le but d’en faire une station militaire et un lieu de refuge pour ses bâtimens de guerre et ses corsaires.

Il est vrai que l’influence américaine domine aujourd’hui aux îles Sandwich, elle est exercée par les missionnaires, qui viennent tous des États-Unis ; le commerce y est également fait par l’Amérique. Cependant je n’ai jamais pu croire que l’Angleterre, si habile à apprécier les divers points militaires du globe, et à s’en emparer lorsqu’ils peuvent lui être utiles, n’ait pas senti l’importance qu’auraient, sous ce point de vue, les îles Sandwich, si une guerre venait à éclater entre elle et la Russie ; je n’ai jamais pu croire qu’elle s’endormît au moment même où l’imminence de ce danger se faisait sentir, et qu’elle consentît à abandonner ses droits aux autres nations, lorsqu’en les réclamant en temps opportun, elle conservait une apparence de légalité. Elle a dû considérer, depuis long-temps, avec intérêt le port de Honolulu, port fortifié, dont l’entrée étroite et difficile peut être si aisément défendue, et qui, entre les mains d’une nation ennemie, deviendrait un puissant sujet d’alarmes pour le commerce anglais dans l’Inde. Je conçois très bien que l’Angleterre, qui regarde les îles Sandwich comme étant soumises à sa suzeraineté par suite de la cession qui en fut faite à Vancouver par Tamea-Mea, acte sans valeur réelle, si l’on veut, mais qui n’en servira pas moins de prétexte quand l’Angleterre jugera l’occupation nécessaire ; je conçois, dis-je, que l’Angleterre n’ait pas reconnu jusqu’à ce

    à ceux de nos bâtimens qui font le commerce de l’Amérique méridionale. Si une modification de nos dispositions douanières leur ouvrait les ports de l’Indo-Chine, ces navires iraient y chercher des chargemens de sucre et des autres denrées que cette contrée produit, au lieu d’opérer, comme ils le font presque toujours aujourd’hui, leur retour en France vides ou à moitié fret.