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LES ÎLES SANDWICH.

abusèrent quand ils la connurent. Il est aujourd’hui presque impossible de se procurer un chargement complet de ce bois précieux ; c’est à peine si de faibles parties peuvent en être amenées au rivage. Si, dès à présent, on mettait quelque ordre dans les coupes, si le bois de sandal enfin était exploité sagement, il pourrait encore, dans quelques années, offrir au commerce une branche assez riche d’exportation ; mais il ne faut pas l’espérer. La pauvreté des chefs, jointe aux passions qu’on a éveillées en eux, s’y oppose ; aujourd’hui surtout, qu’ils voient que cette ressource va leur manquer, ils se hâtent de l’épuiser par tous les moyens possibles.

Mais, comme je l’ai dit tout à l’heure, les plus grandes richesses des îles Sandwich sont encore enfouies dans la terre, et l’industrie seule des Européens et des Américains du nord peut les livrer au commerce ; car la population elle-même est bien loin de posséder cette persévérance et cette énergie qui sont nécessaires pour mener à bien de grands établissemens agricoles. Si les terres des îles Sandwich restent livrées exclusivement à l’exploitation des naturels, des siècles s’écouleront avant qu’ils aient le talent ou le courage d’en tirer parti. On ne donne pas tout d’un coup à des populations habituées à vivre au jour le jour et presque sans peine, l’amour du travail et l’industrie qui seule peut le rendre utile. Jusqu’à ce jour donc, aux îles Sandwich, l’agriculture n’a pas fait un pas vers le progrès, et ces terres fertiles attendent les bras qui devront les rendre productives. Chaque naturel vit dans sa case, cultive la quantité de taro qui lui est nécessaire, se contentant d’élever quelques volailles et des cochons qu’il vend aux navires qui visitent les îles ; avec le prix de la vente, il paie la capitation due au roi et se procure des étoffes ou des liqueurs fortes Mais cette ressource n’appartient qu’à l’aristocratie du pays ; au-dessous de cette classe, qui a déjà acquis quelque industrie, est la population presque générale des îles Sandwich, qui vit encore comme elle vivait avant la découverte, avec beaucoup plus de misère toutefois, et des redevances plus fortes à payer aux chefs.

C’est donc à l’avenir de développer les ressources territoriales et commerciales des îles Sandwich. Placées au centre du grand Océan pacifique septentrional, elles sont là comme un relais au milieu de cette immense mer qui sépare l’Inde et la Chine de l’Amérique méridionale ; elles acquerront de l’importance à mesure que les relations entre les deux continens se développeront. Si l’isthme de Panama s’ouvre, les îles Sandwich deviendront nécessairement un des points les plus intéressans du globe, puisqu’aux ressources dont je viens de parler, elles joindront l’avantage d’être situées sur la grande route de l’Europe à l’Inde ; elles deviendront l’entrepôt naturel, le point de station du commerce qui se fera par cette nouvelle voie ; c’est là que viendront aboutir toutes les marchandises destinées à la Chine, aux Philippines, à l’Inde chinoise, à la côte nord-ouest d’Amérique, à la Californie, etc. Si à cette situation avantageuse on joint un sol fertile et un climat sain, on ne doutera pas que les îles Sandwich ne soient destinées à devenir un jour une station commerciale très importante.

Cet avenir peut n’être pas aussi éloigné qu’on serait d’abord disposé à le