Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/526

Cette page a été validée par deux contributeurs.
522
REVUE DES DEUX MONDES.

déjà, dans quelques vallées du rivage et à Oahou principalement, décomposé la lave à la surface, et l’ont rendue susceptible de produire quelques plantes à courtes racines, sans pouvoir encore nourrir des arbres vigoureux ; à peine les racines viennent-elles à pénétrer jusqu’à la lave, que la plante se dessèche et meurt. J’avais remarqué, dans notre excursion au Pari, que tous les arbres atteignant une hauteur de dix à douze pieds étaient morts, tandis que les broussailles au-dessous d’eux formaient un fourré tellement épais, qu’un homme n’aurait pu y pénétrer. Quand on arrive à une certaine hauteur, les conditions nécessaires à la décomposition de la lave se trouvant réunies avec plus de puissance que dans les terrains bas, on s’aperçoit que l’œuvre a marché plus rapidement, et les arbres sont beaucoup plus vigoureux.

L’île d’Oahou, appelée à juste titre le jardin des îles Sandwich, peut, grace aux eaux abondantes qui l’arrosent, récompenser les travaux de l’agriculture par tous les produits de celles de nos colonies qui sont le plus favorisées de la nature. Les plaines de l’intérieur et celles que borde la mer sont on ne peut plus propices à la culture de la canne à sucre, qui y atteint une grosseur surprenante ; les côteaux produiraient en abondance du coton et du café qui pourraient entrer en concurrence avec les articles similaires les plus vantés. J’ai eu entre les mains des échantillons de coton d’Oahou, qui m’a paru avoir la soie très fine et très longue. L’indigo y croît presque naturellement, et les hautes montagnes offrent à l’exportation leur précieux bois de sandal. Toutes les plantes farineuses, la pomme de terre, la patate douce, le taro, y viennent facilement et en grande quantité. Presque toutes les îles du groupe présentent les mêmes conditions de prospérité ; toutes ont des eaux plus ou moins abondantes, et partout où la nature ne s’est pas chargée de ce travail, l’industrie peut créer des irrigations artificielles. La chaleur, aux îles Sandwich, varie de 60 à 84° Fareinheit (15° 1/2 à 29° Réaumur). Le climat y est très sain, et on n’y a pas encore connu de maladies épidémiques. Les pluies sont abondantes sur le littoral dans les mois de février, mars, août et septembre ; dans les montagnes, il pleut presque sans cesse ; les nuages, dont leurs sommets sont continuellement couronnés, s’y dissolvent en pluies abondantes qui s’écoulent ensuite en torrens et vont enrichir les plaines, de sorte que la nature, après avoir, dans ses convulsions, enfanté cette terre, travaille constamment à la rendre fertile.

Les naturels des îles Sandwich avaient, long-temps avant la découverte, su mettre à profit l’eau des torrens. Les premiers navigateurs admirèrent leur ingénieux système d’irrigation ; ils n’y ont rien changé depuis. Le taro, qui forme la principale nourriture des habitans, a besoin d’avoir, à de certains intervalles et pendant un certain temps, ses racines plongées dans l’eau ; cette opération se renouvelle plusieurs fois avant que la racine soit arrivée à maturité. Profitant habilement de la pente du sol, chaque propriétaire divise son terrain en plusieurs surfaces planes, les unes au-dessous des autres, et closes séparément par des barrières de terre hautes de deux pieds environ et recouvertes de gazon. Les eaux du torrent arrivent par des canaux au carré supé-