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qu’elle est que par ma volonté. Il faut reconnaître en moi le créateur du monde ; » et quand les grands de l’empire, et les sages mobeds, entendirent ces paroles, ils baissèrent tristement la tête ; Dieu retira sa protection à Djemschid, et Zohak parut. »

Telle est donc la nature et la condition de l’humanité. Les renseignemens des plus antiques traditions s’accordent ici avec les leçons de l’expérience la plus récente. Si l’homme est heureux et triomphe, qu’il s’appelle Nembrod ou Djemschid, Masaniel ou Napoléon, bientôt il se perd par le succès et se brise par l’orgueil. L’histoire si profondément vraie d’Adam dans le paradis terrestre est l’histoire de toute sa misérable postérité.

Zohak est le fils d’un chef arabe ; Iblis, l’esprit du mal, vient le trouver au désert, et lui persuade de tuer son père ; puis le parricide est entièrement livré à Iblis. Iblis imprime sur les épaules de Zohak deux baisers, et de chacun sort un serpent hideux. On nourrit ces deux monstres avec de la cervelle humaine.

Alors commence la punition de Djemschid, tombé dans la tyrannie et la démence. L’unité de l’empire est brisée ; de tous côtés, des rois nouveaux s’élèvent, une portion de l’armée va se soumettre à Zohak. L’impie Arabe vient lui-même dans l’Iran. Djemschid s’enfuit, et reste caché durant cent années. Au bout de ce temps, il est trouvé sur les bords de la mer de Chine, et Zohak le fait scier par le milieu du corps. Telle fut la triste fin du grand Djemschid.

À quel évènement historique fait allusion cette singulière histoire. On ne le saurait dire avec précision ; mais il est difficile de n’y pas voir un souvenir confus d’une invasion étrangère dans l’Iran, et l’occupation du trône national par une dynastie d’origine sémitique.

Le règne de Zohak, qui dura mille ans, est une période d’oppression et de crimes. Les prophètes lui annoncent que le vengeur de tant de maux va venir, et Feridoun naît pour changer le sort de la terre.

L’impur Zohak avait fait mourir le père de Feridoun. La mère du futur libérateur de la Perse le cache au sommet du mont Alborz, dans une forêt où il est nourri par une vache merveilleuse. Quand l’heure est venue, Feridoun descend de sa montagne, il apprend de sa mère les crimes de Zohak et jure de mettre en poudre le palais du tyran. Mais voici ce qui advint alors. Zohak, pour faire taire sa conscience, imagine de faire attester, par tous les sages et tous les grands de son empire, « que, comme roi, il n’a semé que la semence du bien, n’a prononcé que les paroles de la vérité, n’a jamais enfreint la justice : » Les grands signèrent par peur cette déclaration mensongère.