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REVUE. — CHRONIQUE.

seignement écrit, la chaire et la glose, sont étudiés avec une parfaite attention ; et tel est le soin de M. de Savigny à signaler toutes les causes de la diffusion de la science et de ses progrès, qu’il consacre à l’histoire matérielle des livres de droit, à leur fabrication, à leur prix, un chapitre spécial. Les manuscrits de Paris étaient renommés par leur luxe, souvent excessif ; les étudians surveillaient eux-mêmes les copies. À Bologne, au XIVe siècle, les marchands ou les loueurs de livres devaient avoir dans leur boutique cent dix sept ouvrages divers. La location variait d’après le nombre des feuilles, l’utilité ou la rareté de l’ouvrage ; mais, en général, le prix de cette location était de quatre deniers (huit centimes). Dans le XIVe siècle, le prix moyen de chacune des trois parties du Digeste et du Code, avec les gloses, s’élevait à 150 francs de notre monnaie. Ces détails sont secondaires sans doute, mais ils témoignent du soin qu’apporte M. de Savigny à élucider son sujet jusque dans ses derniers replis.

Les vies des jurisconsultes du moyen âge, à dater d’Irnerius, occupent le dernier volume. C’est là, sans aucun doute, l’une des parties les plus importantes du livre de M. de Savigny. Sans parler de la bibliographie qu’il est toujours nécessaire de posséder à fond, on sent l’intérêt qui s’attache, en toute science, à l’étude de ceux qui ont voué leur intelligence à ses progrès. Comment, en effet, apprécier les doctrines générales, quand les travaux particuliers ne sont pas connus dans le détail ? Comment séparer les hommes de leur temps ? On a peine à comprendre que le traducteur, M. Guenoux, ait mutilé cette partie si utile et si neuve, d’un livre en tout si complet. C’est là une profanation qui n’a, selon nous, aucun motif plausible, et, bien que M. de Savigny lui-même ait approuvé les suppressions, nous ne voyons là qu’une nécessité purement industrielle. Qu’on agisse de la sorte avec les livres de l’érudition mercantile, avec des ouvrages écrits aujourd’hui d’après des documens rapidement lus la veille, cela se conçoit. Mais il n’en est pas de même des œuvres qui font révolution dans la science et qui sont destinées à durer ; et M. Guenoux, au lieu de rayer d’un trait de plume ce qui avait quelquefois coûté à l’auteur plusieurs années d’étude, eût agi plus sagement peut-être, en appliquant à sa propre préface ce procédé de dégagement et d’élimination.


Législation criminelle maritime, par M. Hautefeuille[1]. — On s’est beaucoup occupé depuis 1830, et l’on s’occupe encore de refondre les diverses lois qui ont réglé, en d’autres temps, la constitution de l’armée de terre. La marine et sa législation spéciale sont loin d’avoir attiré au même degré l’attention des deux chambres et du gouvernement. Est-ce un bien, est-ce un mal pour la marine qu’elle ait paru ainsi délaissée, ou reléguée au second rang dans les préoccupations des pouvoirs publics ? Le mérite des changemens introduits dans l’organisation des troupes de terre nous apprendra un jour jusqu’à quel point notre force navale a lieu de s’affliger qu’on n’ait pas encore soumis à

  1. In-8o, chez Ladrange, quai des Augustins, 19.