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térêts, et quand il y a lieu à exercer, pour notre avantage, une politique désintéressée, c’est le génie financier qui nous souffle nos déterminations. Qu’on examine la conduite de la Russie à l’égard de l’empire turc. Certes nous n’assimilons pas la Belgique à la Turquie, et la France ne peut être soupçonnée de vouloir asservir cette puissance voisine ; mais le fait arrivé il y a six ans peut servir comme exemple de politique habile. Quand le grand-seigneur se vit menacé par le pacha, il se hâta d’appeler la Russie à son secours. Elle accourut à l’instant même, comme nous l’avons fait en Belgique ; elle se retira, ainsi que nous, dès que le danger eut disparu, et la Russie, si exigeante, toujours si attentive à ses intérêts, n’a fait acheter à la Turquie, par aucun sacrifice, le service qu’elle lui a rendu. Qu’en est-il arrivé ? C’est que, malheureusement pour nous et les autres puissances, la Turquie s’est accoutumée au secours des Russes, et qu’elle l’invoque peut-être à cette heure. Nos intérêts seront encore bien mieux servis en Belgique, par le désintéressement, que ne le sont, par un procédé semblable, les intérêts des Russes à Constantinople. Jadis la France payait des subsides annuels à presque toutes les puissances secondaires ; le roi de France était à la fois leur trésorier et leur défenseur. Cette politique, qui nous donnait tant d’influence en Europe, n’est plus praticable ; mais le principe ne doit pas être entièrement abandonné. En ce qui est de sa protection, la France doit l’accorder sans réserve à la Belgique, et il a fallu un motif tel que le respect qu’on doit aux traités pour que le dernier ministère obéît à la douloureuse nécessité de se conformer aux vues de l’Angleterre, qui exigeait l’exécution immédiate des 24 articles. Pour nous, qui n’avons cessé d’exhorter les Belges à exécuter un traité défavorable sans doute, mais qui était inscrit à la première page de leur histoire politique comme nation, nous ne sommes pas suspects en plaidant pour l’ajournement indéfini du paiement des frais d’occupation. Sait-on bien que l’Allemagne fournirait à l’heure même cette somme à la Belgique, si le gouvernement belge voulait accéder à l’association des douanes prussiennes ? Ne perdons pas aussi de vue les avarices que font les puissances du Nord à la Belgique, avec laquelle elles s’empressent d’ouvrir des relations diplomatiques. On dit que le ministère met pour condition de l’abaissement de notre tarif de douanes du côté de la frontière belge le paiement immédiat de cette indemnité. Abaissons notre tarif et ajournons indéfiniment le paiement de la créance. Ce sera d’une bien meilleure politique, et nous y gagnerons doublement. Mais s’il est vrai, comme le bruit s’en répand, que la Belgique se dispose à entrer dans le cercle des douanes prussiennes, une réclamation de 60 millions pour frais d’occupation, suivie d’une nouvelle occupation en cas de non-paiement immédiat, serait la seule mesure à prendre. En pareille occurrence, ce serait à M. le maréchal Soult de montrer comment un homme tel que lui entend les devoirs d’un ministre des affaires étrangères

La mort du sultan est déjà un évènement ancien, tant les évènemens se sont précipités depuis quelque temps en Orient. Aujourd’hui l’empire turc, s’il existe encore, est gouverné en réalité par Kosrew-Pacha, qui a été promu à la