Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
REVUE DES DEUX MONDES.

ASTOLPHE.

Mais ! c’est très joli tout cela ; cependant je vous aurais cru tant soit peu philosophe.

GABRIEL.

Je le suis un peu.

ASTOLPHE.

Mais j’espère que vous n’êtes pas égoïste ?

GABRIEL.

Je n’en sais rien.

ASTOLPHE.

Quoi ! n’aimez-vous personne ? N’avez-vous pas un seul ami ?

GABRIEL.

Pas encore ; mais je désire vous avoir pour ami.

ASTOLPHE.

Moi ! c’est très obligeant de votre part, mais savez-vous si j’en suis digne ?

GABRIEL.

Je désire que vous le soyez. Il me semble que vous ne pourrez pas être autrement, d’après ce que je me propose d’être pour vous.

ASTOLPHE.

Oh ! doucement, doucement, mon cousin ! Vous avez parlé de payer mes dettes ; j’ai répondu : Faites, si cela vous amuse ; mais maintenant, je vous dis : — Pas d’airs de protection, s’il vous plaît, et surtout pas de sermons. Je ne tiens pas énormément à payer mes dettes ; et si vous les payez, je ne promets nullement de n’en pas faire d’autres. Cela regarde mes créanciers. Je sais bien que pour l’honneur de la famille, il vaudrait mieux que je fusse un garçon rangé, que je ne hantasse point les tavernes et les mauvais lieux, ou du moins que je me livrasse à mes vices en secret…

GABRIEL.

Ainsi vous croyez que c’est pour l’honneur de la famille que je m’offre à vous rendre service ?

ASTOLPHE.

Cela peut être ; on fait beaucoup de choses dans notre famille par amour-propre.

GABRIEL.

Et encore plus par rancune.

ASTOLPHE.

Comment cela ?

GABRIEL.

Oui ; — on se hait dans notre famille, — et c’est fort triste !