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superbe, et d’une pierre brute un lingot d’or. Toutes ces promesses éclatantes répétées avec une imperturbable assurance, l’air inspiré avec lequel le réformateur du monde parlait de sa mission, agirent sur les esprits crédules et ignorans. Bientôt le nom du nouveau messie passa de ferme en ferme ; on racontait de lui des choses merveilleuses, on accourut pour le voir, pour l’entendre, et la plupart de ceux qui assistaient à ses leçons se laissaient convertir. Il établissait entre les hommes et les femmes des alliances mystiques qui ne devaient être conclues que dans le ciel, et consacrait en même temps ses néophytes par des cérémonies obscènes que nous ne pouvons décrire.

Cependant, au milieu de ces succès apostoliques, les ressources du paysan qui s’était fait l’hôte du prophète touchaient à leur fin, et nul ange, nul envoyé de Dieu ne venait les renouveler. Il arriva une année de disette si grande que l’orge manqua partout. Wallenberg dit à ses disciples qu’il fallait vivre de lait, et que celui qui mangerait du pain serait condamné à la réprobation ; mais ils s’aperçurent que lui-même dérobait à la communauté des morceaux de pain et les mangeait en secret. Cette première découverte jeta un doute dans leur esprit. Deux autres circonstances achevèrent d’ébranler leur foi. Wallenberg leur avait dit de mettre des pierres dans une caisse et de les porter chez un orfèvre, car à leur arrivée ces pierres seraient changées en or. Le miracle n’eut pas lieu, et les disciples s’en revinrent tristes et confus. Une autre fois, il annonça que tel jour, à telle heure, le monde serait anéanti, et que lui seul et ceux qui croyaient en lui survivraient au désastre universel. Le jour vint, le monde resta tel qu’il était, et les disciples se demandèrent ce qu’il fallait croire. Enfin, le tribunal de Wasa mit fin à cette folle mission. Wallenberg fut arrêté. Dans l’interrogatoire qu’on lui fit subir, il ne démentit point le rôle qu’il avait adopté. À toutes les questions qui lui furent adressées, il ne répondit que par des phrases mystiques dont on ne pouvait tirer aucune conclusion. Il fut condamné à la prison perpétuelle, et mourut peu de temps après.

En conservant son caractère et ses anciennes mœurs, la Finlande a aussi conservé son idiome primitif. Il y a là, comme dans notre Bretagne, deux langues et deux poésies, l’une toute nationale, l’autre importée dans le pays par l’alliance suédoise. La langue finlandaise est douce, flexible, riche en voyelles, agréable à entendre. Elle provient évidemment de la même souche que le dialecte lapon, et présente plusieurs analogies avec la langue hébraïque et hongroise. Si