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POÈTES ET ROMANCIER DU NORD.

réduisant à la famine ceux qu’ils ne pouvaient assujettir à leur pouvoir. Enfin, en 1808, ils y entrèrent de nouveau, et cette fois ce fut pour ne plus en sortir. La Suède, appauvrie, épuisée par les extravagantes entreprises de Gustave IV, ne put défendre sa fidèle alliée. Le pacte qui avait associé pendant près de sept siècles ces deux pays aux mêmes désastres et à la même gloire fut rompu par le glaive : la Finlande devint une principauté russe.

Le Finlandais a traversé toutes ces luttes, toutes ces révolutions, sans laisser altérer son caractère primitif et son type national. Tel on le représente dans les anciens temps, tel il est encore. L’amour du travail, la patience, la résignation, sont des qualités inhérentes à sa nature. L’été, il laboure sans se lasser un sol ingrat qui souvent trompe toutes ses espérances ; l’hiver, on le voit accroupi au bord des fleuves, creusant la glace pour jeter dans l’eau une ligne ou un filet, et se tenant là des heures entières à attendre une proie incertaine. Ingénieux à se créer des ressources pour pallier sa misère, il supplée à tout ce qui lui manque dans son habitation isolée ; il est tout à la fois forgeron, cordonnier, maçon ; il construit lui-même sa demeure, badigeonne ses fenêtres, cisèle ses lambris. Souvent la pauvreté le force d’aller chercher un moyen d’existence hors de sa terre natale. Partout où il s’arrête, il se distingue par son intelligence naturelle et ses habitudes d’ordre. Nous en avons vu un assez grand nombre aux mines de Kaafiord ; ils viennent là au commencement de l’été, vivent d’une vie de privations, et s’en retournent emportant avec eux le salaire presque intact de leur rude travail.

Un autre trait distinctif du Finlandais, c’est sa ténacité dans ses idées, son respect inébranlable pour ses engagemens. Il y a, en Finlande, un proverbe qui dit : Un homme doit tenir à sa parole comme un bœuf à ses cornes. Chaque Finlandais a cet axiome populaire gravé dans la mémoire, et se regarderait comme coupable d’une grande faute, si jamais il venait à le démentir par ses actions. Les qualités morales que nous venons d’indiquer sont d’ailleurs soutenues par des dons physiques remarquables. Le Finlandais est grand et vigoureux, adroit et entreprenant. On le voit tour à tour prendre le filet ou la carabine, attendre le saumon au pied des cascades, ou poursuivre l’ours et le sanglier à travers les forêts. Nulle fatigue ne l’effraie, et nulle intempérie ne l’arrête. Il s’habitue lui-même à passer, sans transition, d’une température ardente à un froid violent, lorsqu’en sortant de ses bains de vapeur, il traverse, sans vêtemens, au milieu de l’hiver, la cour ou l’enclos qui sépare ordinairement la maison de bains du principal corps de logis.