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tout, sur un cheval faible et boiteux qui me fait courir plus de risques que tous les témoins de mes confrontations. L’exécution de quelque criminel bien célèbre n’a jamais eu plus de foule à son spectacle, que je n’en eus à mon emprisonnement. Soudain que je fus écroué, on me dévala dans un cachot, dont le toit même était sous terre. Je couchais tout vêtu, et chargé de fers si rudes et si pesans, que les marques et la douleur en demeurent encore en mes jambes. Les murailles y suaient d’humidité, et moi de peur. »

Contre ses persécuteurs il a de violentes et justes invectives. Il fait une bonne caricature de ceux qui,

Priant Dieu comme des apostres,
Mirent la main sur son collet
Et marmottant leurs patenostres,
Pillèrent jusqu’à son valet.

Si j’estois (ajoute-t-il) du plus vil mestier
Qui s’exerce parmi les rues,
Si j’estois fils de savetier
Ou de vendeuse de morue,
Ils craindroient qu’un peuple irrité
Ne punît leur témérité.

La compagnie de Defunctis vient le prendre à Saint-Quentin ; on le mène à Paris « attaché tout le long du voyage avec des chaînes, sans avoir la liberté du sommeil ni du repos, et sans quitter les fers ni nuit ni jour. On ne suivit jamais le grand chemin ; et, comme s’il y eût eu dessein de m’enlever, les troupeaux ou les arbres un peu éloignés donnaient à ces gens des alarmes assez ridicules. Arrivé à la Conciergerie, la presse du peuple m’en empêcha l’entrée. Je fus enlevé dans la grosse tour avec deux gardes. » — Enfin on le jette dans le cachot de Ravaillac. Il y reste dix-huit mois au secret, l’esprit net et sain, l’ame courageuse, mais abandonné de tous ses amis.

Pour passer mes nuits sans sommeil,
Sans feu, sans air et sans soleil,
Et pour mordre ici les murailles
N’ay-je encore souffert qu’en vain,
Me dois-je arracher les entrailles
Pour souller une dernière faim ?

« Mes ennemis, s’écrie-t-il, ont répandu :

Que j’enseignois la magie,
Dedans les cabarets d’honneur.