Aujourd’hui que Dieu m’abandonne,
Que le roi ne me veut pas voir,
Que le jour me luit en colère,
Que tout mon bien est mon savoir ?
On ne l’a point exilé ; mais il a compris la nécessité d’une absence volontaire. — « Tu me reprends, écrit-il à un ami, d’avoir pris l’épouvante mal à propos, et de m’estre banny moi-même. Je devais cette obéissance à la colère du roy, et ne pouvais me plaindre de ma disgrace sans m’en rendre digne, ni appeler de mon bannissement sans mériter la mort. » — Ce ton est bien grave dans une telle circonstance. On comptait d’autres libertins que Théophile à la cour de Louis XIII, et il semblerait que quelque particularité de sa vie ait échappé à ses biographes. Ce « courroux du roi, » cette « menace qui fait pâlir, » et dont il parle fréquemment, ne sont pas suffisamment motivés par les délations du père Voisin et du père Caussin. Le poète était hardi, avantageux et galant ; on a trouvé dans ses papiers, après sa mort, une singulière épître, adressée à une grande dame, sous le titre d’Actéon à Diane, et que le duc de Montmorency confia mystérieusement à Mairet, qui la fit imprimer. Actéon, dans cette lettre amoureuse, ressemble on ne peut davantage à Théophile lui-même. Il parle de ses malheurs, de son absence soudaine, de son huguenotisme, de ses ennemis, « qui, trop instruits du mépris sacrilége que Penthée, mon cousin-germain, a fait depuis peu du dieu Bacchus, lorsqu’il institua ses premières festes dans Thèbes, n’eussent pas oublié de m’accuser de l’impiété de ma race. » Il y a même dans la déclaration amoureuse d’Actéon un ton de vérité qui ne s’accorde guère avec les personnages mythologiques mis en scène. C’est en son propre nom que Théophile a l’air de dire à la grande dame « Ne vous imaginez pas, s’il vous plaît, que, pour estre indigne de la moindre de vos faveurs, je ne sois capable de la recevoir, quand au-delà de mon espérance et de mon mérite il vous arriverait de m’en vouloir gratifier. Je ne suis pas de ceux à qui l’excessive joye oste le jugement, et la familiarité le respect ; plus je reçois de bénéfices d’un autel, et plus j’y fay brusler d’encens. Je n’ai jamais ignoré que le secret est l’ame de l’amour, et que les bienfaits qui viennent de sa main sont d’une nature tellement différente de tous les autres, que c’est beaucoup d’ingratitude et peu de courage à quiconque les a reçus, de les publier… » — « Je n’auray pas moins de discrétion à recevoir les présens du ciel que de patience à les attendre ; et ayant résolu d’accom-