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LES VICTIMES DE BOILEAU.

Mais va-t-il se joindre aux assassins de Concini, et grossir le haro populaire ? Non ; il a vu l’état de son pays, et sans doute il a mesuré de l’œil la faiblesse de Louis XIII. Il se renferme dans sa propre dignité ; il lui suffit de garder son indépendance :

Qu’un homme de trois jours de soie et d’or se couvre !
Du bruit de son carrosse importunant le Louvre,
Qu’un étranger heureux se moque des François !
Qu’il ait mille suivans, pourvu que je n’en sois !
................
Je hais la médisance, et ne puis consentir
À gagner avec peine un triste repentir !

Concini meurt ; l’oiseleur Luynes le remplace. Théophile, bien accueilli par ce dernier, est chargé de faire des vers pour les fêtes de la cour. Il préfère (et cela n’est pas surprenant) au faquin d’Italie le brillant gentilhomme de France, et le défend avec vigueur contre les nombreux ennemis qui lui disputent la faveur de Louis XIII. Continue, lui dit-il,

Goûte doucement le fruit
Que la bonne fortune apporte :
Tous ceux qui sont tes ennemis
Voudraient bien qu’il leur fût permis
D’être criminels de la sorte.

Théophile, défenseur de Luynes, commence à se trouver en butte à la haine du peuple ; on le confond avec les « lièvres de la faveur. » Les pamphlets accolent son nom à celui de l’oiseleur. La liberté de ses discours passe en proverbe ; on dit : « libertin comme Théophile. » — « Moi (s’écrie l’auteur d’un libelle), croire que Luynes fera le bonheur de la France ! Je croirais plutôt qu’un sot est homme d’esprit, que la fortune est sans envieux,

....Le Pérou sans écus,
La cour sans mécontens et Paris sans c…,
....ou bien (chose plus merveilleuse)
Que Théophile ira tout droit en Paradis[1] !

Théophile voit bien qu’au milieu de cette confusion léguée par le XVIe siècle, une main puissante est nécessaire ; il appelle Richelieu et le prédit ; il veut un despotisme terrible et redouté :

Les forts bravent les impuissans,

  1. Pièces sur Luynes, pag. 189.