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GABRIEL.

GABRIEL.

Je sais tout cela, mais ne me parlez pas de lui.

LE PRÉCEPTEUR.

Je veux vous en parler au contraire, car il mérite son pardon à force de repentir.

GABRIEL.

Oui, je sais qu’il se repent beaucoup !

LE PRÉCEPTEUR.

L’excès de l’amour a pu seul l’entraîner dans les fautes dont votre abandon l’a trop sévèrement puni.

GABRIEL.

Écoutez, mon ami, je sais mieux que vous les moindres démarches, les moindres discours, les moindres pensées d’Astolphe. Depuis trois mois, j’erre autour de lui comme son ombre, je surveille toutes ses actions, et j’ai même entendu mot pour mot de longs entretiens que vous avez eus avec lui…

LE PRÉCEPTEUR.

Quoi ! vous me saviez ici, et vous n’osiez pas vous confier à moi ?

GABRIEL.

Pardonnez-moi, le malheur rend farouche…

LE PRÉCEPTEUR.

Et vous étiez ce soir au Colysée en même temps que nous ?

GABRIEL.

Non, mais je vous écoutai la semaine dernière aux Thermes de Dioclétien. Ce soir, j’ai bien été au Colysée, mais je n’y ai rencontré qu’Antonio Vezzonila. Je me suis pris de querelle avec lui, parce qu’il avait à peu près deviné mon sexe. Je ne sais s’il ne mourra pas du coup que je lui ai porté. En toute autre circonstance, il m’eût ôté la vie ; mais j’avais quelque chose à accomplir, la destinée me protégeait. Je jouais mon dernier coup. J’ai gagné la partie contre le malencontreux obstacle qui venait se jeter dans mon chemin. C’est une victime de plus sur laquelle Astolphe assoiera l’édifice de sa fortune.

LE PRÉCEPTEUR.

Je ne vous comprends pas, mon enfant !

GABRIEL.

Astolphe vous expliquera tout ceci demain matin. Demain, je quitterai Rome.