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REVUE DES DEUX MONDES.

ANTONIO.

C’est pourtant bien là la main d’une femme ! Femme ou diable, il m’a fort mal arrangé !… Mais je ne me soucie pas qu’on sache cette aventure, car le ridicule aussi bien que le dommage est de mon côté. J’aurai assez de force pour gagner mon logis… Voilà pour moi un carnaval fort maussade !…

(Il se traîne péniblement, et disparaît sous les arcades du Colysée.)

Scène III.


ASTOLPHE, LE PRÉCEPTEUR.
ASTOLPHE, en domino, le masque à la main.

Je me fie à vous, Gabrielle m’a dit cent fois que vous étiez un honnête homme. Si vous me trahissez… qu’importe ? je ne puis pas être plus malheureux que je ne le suis.

LE PRÉCEPTEUR.

Je me dis à peu près la même chose. Si vous me trahissiez indirectement en faisant savoir au prince que je m’entends avec vous, je ne pourrais pas être plus mal avec lui que je ne le suis, car il ne peut pas douter maintenant qu’au lieu de chercher à faire tomber Gabriel dans ses mains, je ne songe à le retrouver que pour le soustraire à ses poursuites.

ASTOLPHE.

Hélas ! tandis que nous la cherchons ici, Gabrielle est peut-être déjà tombée en son pouvoir. — Vieillard insensé ! qu’espère-t-il d’un pareil enlèvement ? Cette captivité ne peut rien changer à notre situation réciproque ; elle ne peut pas non plus être de longue durée. — Espère-t-il donc échapper à la loi commune et vivre au-delà du terme assigné par la nature ?

LE PRÉCEPTEUR.

Les médecins l’ont condamné il y a déjà six mois. Mais nous touchons à la fin de l’hiver ; et s’il résiste aux derniers froids, il pourra bien encore passer l’été.

ASTOLPHE.

Ce qu’il s’agit de savoir, c’est le lieu où Gabrielle est retirée ou captive. Si elle est captive, fiez-vous à moi pour la délivrer promptement.

LE PRÉCEPTEUR.

Dieu vous entende ! Vous savez que le prince, si Gabriel n’est pas