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GABRIEL.

DEUXIÈME ÉTUDIANT.

Ah ! je suis las de ces sottises-là. C’est l’affaire des sbires, et non la nôtre, de faire la guerre aux voleurs toutes les nuits.

TROISIÈME ÉTUDIANT.

Et puis, je n’aime guère ton Astolphe. Il a beau être gueux et débauché, il ne peut oublier qu’il est gentilhomme, et de temps en temps il lui prend, comme malgré lui, des airs de seigneurie qui me donnent envie de le souffleter.

DEUXIÈME ÉTUDIANT.

Et ces deux cuistres qui boivent là tristement dans un coin me font l’effet de barons allemands mal déguisés.

PREMIER ÉTUDIANT.

Décidément, le cabaret est mal composé ce soir. Partons.

(Ils paient l’hôte et sortent. Les spadassins suivent tous leurs mouvemens. Gabriel est occupé à examiner Astolphe, qui s’est jeté sur un banc d’un air farouche, les coudes appuyés sur la table, sans demander à boire et sans regarder personne.)

MARC, bas à Gabriel.

C’est un beau jeune homme ; mais quelle mauvaise tenue ! Voyez, sa fraise est déchirée et son pourpoint couvert de taches.

GABRIEL.

C’est la faute de son valet de chambre ! — Quel noble front ! Ah ! si j’avais ces traits mâles et ces larges mains !…

PREMIER SPADASSIN, regardant par la fenêtre.

Ils sont loin… Si ces deux benêts qui restent là sans vider leurs verres pouvaient partir aussi…

DEUXIÈME SPADASSIN.

Lui chercher querelle ici ? L’hôte est poltron…

TROISIÈME SPADASSIN.

Raison de plus.

DEUXIÈME SPADASSIN.

Il criera.

QUATRIÉME SPADASSIN.

On le fera taire.(Minuit sonne.)

(Astolphe frappe du poing sur la table. Les sbires l’observent alternativement avec Gabriel, qui ne regarde qu’Astolphe.)
MARC, bas à Gabriel.

Il y a là des gens de mauvaise mine qui vous regardent beaucoup.

GABRIEL.

C’est la gaucherie avec laquelle tu tiens ton verre qui les divertit.