Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/287

Cette page a été validée par deux contributeurs.
283
REVUE. — CHRONIQUE.

tume, elle est à peine représentée dans ces contrées, et les informations qu’elle reçoit de ses agens sont à peu près nulles. Ceci nous obligera d’examiner prochainement la situation de toutes nos agences politiques, et de montrer à quelles défavorables conditions on les a réduites.

Nous le répétons, la Turquie n’est pas encore effacée de la carte, comme l’ont dit M. de Valmy et M. de Lamartine, elle a de grandes et nombreuses ressources dans ses populations musulmanes, dévouées au chef de la religion, et elle n’a pas encore appelé à sa défense les populations chrétiennes, qui sont braves et aguerries, et qu’elle s’attacherait en leur accordant quelques droits. Ces populations de tributaires et de rayas seraient la meilleure défense de la route de terre à Constantinople ; et la réforme ne sera pas complète tant qu’on ne les aura pas convertis en soldats, en les élevant au même rang que les autres sujets musulmans. En deux années, l’empire turc, sérieusement menacé aujourd’hui, serait ainsi sauvé de sa perte.

Il nous est impossible de suivre M. le duc de Valmy dans son long discours, dont un seul paragraphe nous entraîne déjà bien loin. Ce discours renferme de graves reproches adressés à la politique française ; nous ne les croyons pas tous immérités, comme l’a dit M. de Carné, et nous pensons que le gouvernement aurait quelque profit à tirer de ces observations d’un de ses plus ardens adversaires.

M. de Carné, initié par sa position à la plupart des affaires politiques extérieures qui ont eu lieu il y a quelques années, a très bien établi, comme nous l’avons fait, les deux parties distinctes, l’une immédiate, l’autre d’une nature plus sérieuse encore, mais moins pressante, qui constituent la question des affaires de l’Orient. On s’est évidemment trompé en disant que M. de Carné a proposé de créer une nationalité arabe. M. de Carné est un homme trop politique pour ignorer que les siècles seuls créent les nationalités ; pour les hommes, ils n’ont déjà que trop de peine à sauver les nationalités qui existent. M. de Carné a simplement examiné la situation de l’Égypte, et il a conclu, de cet examen, que la France a là une tutelle obligée. En un mot, M. de Carné a cru voir que la France, qui a aujourd’hui, selon lui, intérêt à maintenir la vice-royauté d’Égypte dans un état d’indépendance vraiment réelle, aura bientôt à la défendre contre une domination qui la menace de bien plus près que la domination du sultan. M. de Carné a dit toute sa pensée quand il a indiqué que le moment était peut-être venu de couper dans son centre ce qu’il nomme judicieusement l’immense blocus maritime formé par l’Angleterre, de Calcutta à Londres. L’indépendance de l’Égypte est, selon M. de Carné, le seul moyen de parvenir à ce résultat, l’indépendance de l’Égypte, mais avec le patronage de la France, qui l’aurait réclamée la première. L’influence anglaise domine le Portugal, l’influence autrichienne prévaut en Italie, l’influence de la Russie se fait sentir en Allemagne, l’influence française serait enfin quelque part, si le gouvernement parvenait à l’établir en Égypte. Bref, M. de Carné voulait qu’on prît parti pour le vassal ou pour le sultan, et que la France ne mît pas ses vaisseaux à la mer pour faire durer,