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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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14 juillet 1839.


Dans la marche rapide des évènemens qui se passent sous nos yeux, c’est déjà un fait éloigné que la discussion et le vote du crédit de dix millions destinés à augmenter nos forces navales dans la Méditerranée. Le ministère aura donc très prochainement ces dix millions dans les mains, et il les emploiera, selon leur destination, à solder les équipages et les fournitures de notre marine. Ce chiffre de dix millions, placé en face des dépenses maritimes extraordinaires des autres puissances, suffit pour répondre à tous les orateurs qui s’étaient fait inscrire lors de la discussion de ce crédit. Il est évident, rien qu’à cette demande, que la France se donne une mission très limitée dans l’affaire d’Orient, et c’est, en effet, le rôle qu’elle s’apprête à jouer, selon toutes les apparences.

La question des affaires d’Orient, telle qu’elle se présente aujourd’hui, surtout depuis le vote du crédit de dix millions, se divise en deux parties bien distinctes. L’une était indiquée par le rapport de M. Jouffroy, c’est la partie la plus longue, la plus difficile, et peut-être la partie impossible de cette affaire, quoiqu’elle ait été présentée, par le rapporteur, comme la chose la plus simple et la plus naturelle du monde ; c’est celle qui consiste à lier la France, l’Angleterre, l’Autriche et la Turquie, par un traité d’alliance et de garantie réciproque. Mettre une pareille tâche dans un des bassins de la balance, et dans l’autre le ministère actuel, appuyé sur dix millions, pour l’accomplir, c’est vouloir réaliser un peu plus qu’un miracle, on en conviendra. Heureusement, cette mission dont on voudrait voir se charger notre gouvernement n’est pas l’œuvre d’une dépêche, et il pourra arriver que quelques hommes d’état, d’un talent éprouvé, passant par le ministère des affaires étrangères, travaillent quelque jour à la réaliser. Heureusement, répétons-le, que c’est une affaire de temps, d’habileté et de patience, et qu’il peut s’ouvrir ainsi pour nous quelques chances d’y réussir ; car, si la solution devait être immédiate, nous ne serions pas en mesure de la mener à bien.

De quoi s’agit-il en effet ? De forcer trois puissances à s’entendre pour conserver le statu quo en Orient, quand de ces trois puissances, l’une, l’Angleterre, dissimule mal la nécessité où elle se croit de détruire le statu quo du côté de l’Égypte, et quand une autre, l’Autriche, a adopté un système de re-