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RECHERCHES HISTORIQUES.

étaient réguliers et fixes : pour s’en acquitter, les colons devaient à leurs maîtres quelquefois un, plus souvent deux, communément trois jours de leur temps par semaine, rarement davantage, sans recevoir aucun salaire. Les services de la seconde espèce étaient, pour ainsi dire, arbitraires, c’est-à-dire laissés à la discrétion des maîtres ils imposaient aux colons l’obligation de conduire ou d’escorter les convois tant par terre que par eau, de porter des ordres et de faire toutes sortes de commissions, le tout ordinairement gratis ; d’entretenir et de réparer les édifices, d’en construire de neufs, et par conséquent de fournir ou d’amener les pierres, la chaux et les bois nécessaires, de recueillir les abeilles dans les forêts, de veiller aux ruchers naturels ou artificiels, et de faire des ouvrages de toute nature. Mais il était assez rare, au moins dans les terres de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, que les colons fussent astreints à cultiver les vignes de l’abbé ou des moines ; cette tâche était ordinairement réservée aux serfs, et presque exclusivement aux tenanciers des manses serviles.

Le service de guerre, pour le roi, n’était imposé aux colons ni par les lois des nations barbares, ni par les ordonnances des Mérovingiens ; d’après les capitulaires de la seconde race, il n’était dû que par les hommes libres. En général, lorsque des hommes d’une condition servile figurent dans les armées des Francs, ce n’est pas comme guerriers, mais comme serviteurs ou valets. Les lides et les serfs de la loi salique qui vont à l’armée, y vont à la suite de leurs maîtres, pour les servir, et non pour faire eux-mêmes la guerre. Cette distinction explique la contradiction apparente de plusieurs textes. Si l’on trouve que des serfs ont été armés et s’ils paraissent avoir pris une part directe à des expéditions militaires générales, ou ces cas sont rares, exceptionnels, particuliers à une ou deux espèces de serfs, et contraires à l’usage commun[1], ou bien ils ne se présentent qu’après le démembrement de l’empire, dans un temps où les colons avaient usurpé la propriété de leurs tenures. Toutefois, en Allemagne, on observe de bonne heure que des hommes non libres étaient amenés à la guerre par les comtes. La lettre de Louis-le-Débonnaire à Baduradus, évêque de Paderborn, en est un des plus remarquables exemples. Au IXe siècle le service militaire était, suivant toute apparence, imposé, dans le même pays, aux lides et aux colons, puisqu’ils avaient besoin d’un diplôme royal pour en être exemptés[2].

  1. L. Sal. Herold., Epilog. 22 ; Baluz., XXVIII, 1. Voy. Annal. Bertin., an. 832, dans Pertz, tom. I, pag. 425.
  2. Homines ejusdem ecclesiae (I. E. Corbeiæ novæ) liti et coloni, et rectores