vous étonné qu’il m’en soit resté quelque notion de justice, quelque amour de la vérité ?
Gabriel, vous avez raison ; mais, pour l’amour du ciel, soyez moins tranchant et moins hardi en présence de votre aïeul.
(On remue avec impatience dans le cabinet.)
Tenez, l’abbé, j’ai meilleure opinion de mon grand-père ; je voudrais qu’il m’entendît. Peut-être sa présence va m’intimider ; je serais bien aise pourtant qu’il pût lire dans mon ame, et voir qu’il se trompe, depuis deux ans, en m’envoyant toujours des jouets d’enfant.
Je le répète, vous ne pouvez comprendre encore quelle a été sa tendresse pour vous. Ne soyez point ingrat envers le ciel, vous pouviez naître déshérité de tous ces biens dont la fortune vous a comblé, de tout cet amour qui veille sur vous mystérieusement et assiduement…
Sans doute, je pouvais naître femme, et alors adieu la fortune et l’amour de mes parens ! J’eusse été une créature maudite, et, à l’heure qu’il est, j’expierais sans doute au fond d’un cloître le crime de ma naissance ! Mais ce n’est pas mon grand-père qui m’a fait la grace et l’honneur d’appartenir à la race mâle.
Gabriel, vous ne savez pas de quoi vous parlez.
Il serait plaisant que j’eusse à remercier mon grand-père de ce que je suis son petit-fils ! C’est à lui plutôt de me remercier d’être né tel qu’il me souhaitait, car il haïssait… du moins il n’aimait pas son fils Octave, et il eût été mortifié de laisser son titre aux enfans de celui-ci. Oh ! j’ai compris depuis long-temps malgré vous ; vous n’êtes pas un grand diplomate, mon bon abbé ; vous êtes trop honnête homme pour cela…
Gabriel, je vous conjure…
Tenez ! pour le coup, le prince est éveillé. Je vais le voir enfin, je vais savoir ses desseins ; je veux entrer chez lui.