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DE L’INDUSTRIE LINIÈRE.

entière, en comptant 300 jours de travail, une consommation de 10,800 hectolitres, lesquels ne coûteront en Angleterre que 8,640 francs, et en France 30,240 francs. Il est bon de remarquer, d’ailleurs, que cette dépense de 30,240 francs en combustible forme, dans l’établissement que nous avons pris pour exemple, plus du cinquième de la dépense totale.

On dit encore à cela : Que ne vous servez-vous des cours d’eau ? C’est une objection qui a été faite dans l’enquête de 1838, et nous sommes étonné qu’on n’y ait point répondu. Il nous semble pourtant que la réponse était facile. À la vérité, les cours d’eau ne manquent pas en France ; mais ils ne sont pas à la disposition de tout le monde, et pour s’en assurer la possession, il faut ordinairement passer par des formalités de tous les genres, se plier à des démarches fatigantes et subir d’interminables lenteurs. C’est bien assez des lenteurs inhérentes à toutes les fondations, sans y en ajouter encore de cette espèce. Les cours d’eau ont d’ailleurs le grand inconvénient de n’avoir pas une puissance régulière et uniforme. Si quelques-uns peuvent marcher dans tous les temps, d’autres, en plus grand nombre, subissent l’influence des saisons. L’eau y surabonde en hiver et manque en été. Dans le premier cas, il y a excès de puissance, et dans l’autre, défaut. Aussi, en tenant compte des exceptions, on peut dire qu’en général les cours d’eau conviennent beaucoup mieux aux usines dont le travail souffre des intermittences, qu’aux établissemens qui demandent, comme les filatures de lin, un travail régulier et constant. Mais ce n’est peut-être pas encore là leur plus grand tort. Ce qui diminue singulièrement leur valeur, c’est qu’ils ne peuvent pas se déplacer à volonté. Le manufacturier qui adopte la machine à vapeur comme force motrice, la transporte où il lui plaît. Il consulte alors tout à la fois ses convenances personnelles et les convenances locales. Il peut choisir un lieu où il trouvera des mécaniciens pour réparer ses machines, et des ouvriers pour les conduire ; un lieu où la matière première abonde, et où de nombreux débouchés s’ouvrent pour ses produits. S’il veut se servir d’un cours d’eau, il faut qu’il le prenne où il le trouve. Peu importe que le lieu soit sauvage, inhabité, que les moyens de communication y soient rares et difficiles, que la matière première y manque, que les débouchés soient éloignés, il n’y a pas à choisir, le cours d’eau est là et ne se déplacera point. Voilà ce qui rend cette force, d’ailleurs précieuse, d’un usage moins étendu qu’on ne le pense. Dans certaines localités, les cours d’eau sont nombreux et abondans ; mais tout le reste manque pour la réussite des établissemens manufacturiers. Ailleurs, toutes les circonstances sont favorables, et on ne trouve plus de cours d’eau. Le département du Nord en offre un remarquable exemple. Nul autre n’est aussi favorable pour l’établissement des filatures de lin, et, ce qui le prouve, c’est que nos anciennes filatures s’y pressaient en plus grand nombre qu’ailleurs. Eh bien ! ce département, pays plat, n’est pas riche en cours d’eau. Ils y sont rares et d’une médiocre force, et le petit nombre de ceux qui seraient capables de servir sont occupés depuis long-temps. Dira-t-on par hasard qu’il ne faut pas qu’il s’établisse de filatures