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GABRIEL.

FRÈRE CÔME.

Mais savez-vous ce qu’on dit ? Une chose dont j’ose à peine vous parler, tant je crains de vous donner une folle espérance.

BARBE.

Quoi donc ? Dites, frère Côme !

FRÈRE CÔME.

Eh bien ! on dit que le jeune Gabriel est mort.

SETTIMIA.

Sainte Vierge ! serait-il bien possible ! Et Astolphe qui n’en sait rien !… Il ne s’occupe jamais de ce qui devrait l’intéresser le plus au monde.

FRÈRE CÔME.

Oh ! ne nous réjouissons pas encore ! Le vieux prince nie formellement le fait. Il dit que son petit-fils voyage à l’étranger, et le prouve par des lettres qu’il en reçoit de temps en temps.

SETTIMIA.

Mais ce sont peut-être des lettres supposées !

FRÈRE CÔME.

Peut-être ! Cependant il n’y a pas assez long-temps que le jeune homme a disparu pour qu’on soit fondé à le soutenir.

BARBE.

Le jeune homme a disparu ?

FRÈRE CÔME.

Il avait été élevé à la campagne, caché à tous les yeux. On pouvait croire qu’étant né d’un père faible et mort prématurément de maladie, il serait rachitique et destiné à une fin semblable. Cependant, lorsqu’il parut à Florence l’an passé, on vit un joli garçon, bien constitué, quoique délicat, et svelte comme son père, mais frais comme une rose, allègre, hardi, assez mauvais sujet, courant un peu le guilledou, et même avec Astolphe, qui s’était lié avec lui d’amitié, et qui ne le conduisait pas trop maladroitement à encourir la disgrace du grand-père. (Settimia fait un geste d’étonnement.) Oh ! nous n’avons pas su tout cela. Astolphe a eu le bon esprit de n’en rien dire, ce qui ferait croire qu’il n’est pas si fou qu’on le croit…

SETTIMIA, avec fierté.

Frère Côme ! Astolphe n’aurait pas fait un pareil calcul ! Astolphe est la franchise même.