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après tout et malgré les apparences, beaucoup moins de la Pologne et de la Russie que des intérêts commerciaux de l’Angleterre, comme partout où deux mille Anglais, plus ou moins, se mettent à manger, à boire ou à pérorer ensemble. Eh bien ! monsieur, les intérêts de l’Angleterre méritaient une colère et une indignation bien plus grandes que celles de lord Dudley Stuart, car qu’est-ce qu’une expédition militaire à travers l’Asie centrale, sinon un fait passager avec mille chances contraires, tandis que le mal dont souffre l’Angleterre est un fait permanent, qui a lieu chaque jour et qui s’accomplissait au moment même où parlait le noble lord ? Vous voyez bien que je parle des expéditions commerciales, qui s’opèrent sans cesse entre la Russie et cette partie de l’Orient.

Un de nos intrépides voyageurs a traversé récemment l’Asie centrale. Vous avez entendu parler de lui, monsieur. Sa relation est un document précieux. Ce voyageur est M. Alexandre Burnes ; alors lieutenant au service de la compagnie des Indes, et formé à sa mission, comme tous les jeunes gens qui se destinent à ce service, par l’étude de la langue persane, de l’hindoostani et de quelques autres dialectes de l’Orient. On lui donna toutes les facilités et on lui fournit tous les prétextes possibles pour remonter l’Indus. C’était un projet qui roulait depuis long-temps dans la tête du jeune officier, et, en cela, il avait devancé le gouvernement anglais. Employé comme officier d’état-major dans le Cotch, à l’embouchure même de l’Indus, il offrit, en 1829, de traverser tous les déserts entre l’Inde et les rives de l’Indus, et une fois arrivé par terre à la partie supérieure du fleuve, de le descendre jusqu’à la mer. Ce projet fut agréé par sir John Malcolm, gouverneur de Bombay, qui attacha le jeune officier à la partie politique du service, afin de lui donner un caractère public et plus d’autorité dans le pays qu’il devait traverser. Il venait à peine de partir quand une dépêche du gouvernement suprême de l’Inde le rappela, et ce ne fut qu’un an après qu’il reçut la même mission sous une autre forme. Il fut nommé pour porter les présens envoyés par le roi d’Angleterre à Rindjit-Sing, roi de Lahor, en remontant les rives de l’Indus jusqu’à cette capitale. Là, il jugea à propos de quitter son caractère public d’envoyé, et pénétra comme simple voyageur dans le Kondouz, dans la Boukharie et dans le Turkestan, d’où il se rendit en Perse. Permettez-moi de vous dire quelques mots de ce curieux voyage.

Les présens consistaient en cinq chevaux gigantesques et un immense carrosse. Remarquez, mon cher monsieur, le choix de ces