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SALON DE 1839.

arabe, repoussée par un bataillon que commande M. le duc de Nemours en personne ; dans le second, les colonnes qui doivent donner l’assaut, reçoivent le signal de sortir de la tranchée. On les voit, dans le troisième, escalader la brèche ; enfin un quatrième, mais de petite proportion, représente un des épisodes de ce siége meurtrier, l’attaque du marché où les assiégés se défendirent après la prise de leurs remparts.

Dans tous ces tableaux, ce qui frappe d’abord, c’est une connaissance parfaite des habitudes et des mœurs du soldat ; on dirait que M. Vernet a fait la guerre toute sa vie. J’aime à croire que la couleur locale, je veux dire l’aspect du pays est aussi fidèlement rendu, et si je ne trouve pas là le soleil d’Afrique tel que je me le représente, je n’ai pas le droit d’en faire un reproche au peintre. En effet, à l’époque du siége, le climat de Constantine n’était rien moins que brûlant, et la pluie et la neige paraissent avoir été des auxiliaires redoutables des Arabes. Néanmoins le coloris général est terne, il faut l’avouer, et cette fois la palette de M. Vernet, souvent si riche, ne lui a fourni que des tons lourds et sans transparence. Ce défaut devient encore plus sensible par la monotonie, résultat inévitable des uniformes militaires ; capotes bleues, pantalons rouges, on ne voit que bleu et que rouge, et, en bonne foi, il n’en pouvait être autrement. Çà et là, quelques costumes orientaux et les uniformes pittoresques de certaines troupes, auxiliaires des Français, je crois, soulagent un peu l’œil découragé.

Chose étrange, les dispositions compassées et systématiques de la guerre moderne, loin d’embarrasser M. H. Vernet, n’ont fait que lui fournir l’occasion de montrer son talent à vaincre des difficultés que Vander-Meulen seul avait osé aborder avant lui. Dans le second tableau, no 2051, les soldats rangés par pelotons, l’arme aux pieds, présentent une suite de lignes régulières, perpendiculaires à l’œil du spectateur. Cet arrangement pourtant ne choque en aucune façon et plaît même par son exactitude. Quoi de plus varié ? quoi de plus vrai que toutes ces figures de soldats attendant le signal de se faire tuer, les uns avec insouciance, les autres avec cette gaieté qui caractérise le militaire français ? Je suis moins content des officiers ; plusieurs me semblent trop académiquement posés. Ils ont l’air d’être là pour se faire peindre, et je serais porté à croire qu’en effet la plupart sont des portraits. On s’aperçoit trop qu’ils ont donné séance, et le peintre a peut-être aussi voulu les flatter. Avec notre prosaïque manière de nous battre, on ne voit guère de ces gestes héroïques qui ne sont plus