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LES CÉSARS.

v.

NÉRON.[1]


i.DES CROYANCES SOUS NÉRON.

J’avais hâte d’arriver à Néron. C’est là le type de l’empereur romain ; c’est au plus haut point cette toute-puissance du mal, ce mépris de l’humanité hors de soi et cette idolâtrie de l’humanité en soi-même, cette aspiration gigantesque et folle vers toute chose surhumaine, cette lutte contre Dieu ; c’est au plus haut point aussi cet imminent péril, cette indicible fragilité du pouvoir, cette surexaltation de l’individu humain si colossale et si précaire. Ce Nabuchodonosor qu’on appelle l’empereur romain ne porta jamais plus haut sa tête d’or ; ses pieds d’argile ne furent jamais si prompts à se rompre, et l’on croirait volontiers que la statue de cent pieds que Néron se fit ériger devant son palais ne fit que réaliser le rêve prophétique du roi de Babylone. Mieux qu’aucune autre époque, les treize ans qu’il régna peignent cet état où le dernier terme de sa civilisation avait conduit l’antiquité.

Mais pour commencer, je m’attache à un sujet sérieux ; toute chose a son côté grave, et j’estime malheureux celui qui pourrait le mécon-

  1. Voir les livraisons du 15 juillet 1836, du 15 novembre 1837, du 15 décembre 1837, et du 1er  mars 1838.