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longés (protracted meetings), les offices religieux en plein air (camp meetings) et les associations religieuses.

Lorsque le zèle s’attiédit dans une paroisse ou que certains vices prennent un développement qui menace d’abaisser sensiblement le degré de moralité d’une commune, les dévots se réunissent, se concertent, s’entretiennent des moyens les plus propres à réveiller l’esprit chrétien dans ceux qui l’ont laissé s’assoupir ; ils prient, et chacun, se faisant missionnaire, cherche à faire pénétrer dans les autres les sentimens dont il est animé lui-même. L’étincelle se communique, le feu gagne et s’étend ; des prédicateurs renommés par leur piété viennent souffler ce feu, et bientôt il se forme comme un vaste incendie. Lorsque les choses en sont rendues à ce point, souvent les prédicateurs et les dévots arrangent ensemble un office prolongé, c’est-à-dire une mission de plusieurs jours, qui doit mettre la dernière main à l’œuvre commencée et confirmer les sentimens que le revival a fait naître. Ces missions durent quelquefois quinze jours, pendant lesquels les fidèles passent de la prière au chant, du chant à la prédication, de la prédication au banc d’angoisse, anxions beach, imitation dangereuse et dégénérée de la confession. Ces revivals produisent souvent des résultats salutaires, et les inconvéniens graves dont ils sont la source seraient beaucoup moins nombreux, si les prédicateurs étaient plus prudens et avaient plus d’expérience. J’avoue que je n’aime pas le ton léger avec lequel mistress Trollope traite, dans son ouvrage sur l’Amérique, les institutions et les cérémonies religieuses des différentes sectes aux États-Unis. Toutes ces choses sont fort sérieuses de leur nature, puisqu’elles tiennent au côté le plus sérieux de la vie, et qu’elles servent de forme aux sentimens les plus profonds du cœur humain. On peut les désapprouver, ceci ne fait pas doute ; on peut même s’en indigner ; mais pour de pareils sujets la plaisanterie ne convient pas, et il n’est pas permis à un écrivain grave de faire rire ses lecteurs des erreurs des autres. Mistress Trollope était d’autant plus obligée à être indulgente, que ses jugemens sont, pour la plupart, une affaire de patriotisme, et qu’elle ne relève guère ce qu’elle trouve de défectueux dans les institutions américaines que pour exalter davantage celles de son pays. Or, elle aurait dû se rappeler que, dans tout ce qui a rapport à la religion, les Américains n’ont fait que développer les germes qu’ils ont apportés d’Angleterre, et que, pour beaucoup de choses qui lui paraissent ou ridicules ou blâmables, sa patrie n’a rien à envier aux États-Unis. Comme elle, je condamne les abus qu’elle signale, à cause des dangers auxquels ils exposent ceux qui en sont victimes. En effet, les revivalists, ou prédicateurs de revivals, sont très souvent des jeunes gens sans expérience, cherchant à produire des impressions plutôt que des sentimens, et agissant plus sur l’imagination des auditeurs que sur leur volonté. Le but de tous leurs efforts, dans les sermons qu’ils prêchent, est d’amener sur le banc d’angoisse plusieurs fidèles dont les larmes, les gémissemens et quelquefois même les plus effroyables convulsions témoignent de la puissance du prédicateur. C’est parmi les femmes jeunes et à imagination ardente que ces phéno-