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ÉTAT MORAL DE L’AMÉRIQUE DU NORD.

d’après le jugement de presque tous les hommes qui ont visité les États-Unis, à la séparation parfaite de l’église et de l’état. Plus l’état est indifférent pour tout ce qui touche à la religion, plus les individus s’en occupent avec zèle et ferveur. Les scrupules vont si loin sur ce point en Amérique, qu’on n’y voit qu’avec peine, et qu’on n’y tolère qu’à regret les dons et les legs qui sont faits aux églises ; car on y a remarqué que ces dons, en rendant l’église qui les avait reçus indépendante à l’avenir des fidèles, diminuaient sensiblement le zèle religieux et parmi ces derniers et parmi les ministres qu’ils s’étaient choisis, et des expériences assez nombreuses ont rendu générale l’opinion que la taxe imposée à chaque fidèle pour l’entretien de l’église dont il est membre, est plus avantageuse, et pour l’église, et pour lui, qu’une rente perpétuelle et inaliénable.

La séparation de l’église et de l’état est un fait d’autant plus remarquable aux États-Unis, qu’il s’est développé lentement, et que leur histoire a commencé par la théocratie. En effet, les premiers pèlerins qui abordèrent dans le Massachussett y établirent une constitution toute théocratique dans son principe et dans ses formes, puisque le titre de citoyen était attaché à celui de membre de l’église. Ce n’est qu’en 1833 que cet état a effacé les dernières traces du principe théocratique qui l’avait constitué, en abolissant la taxe ecclésiastique, contre laquelle l’opinion générale était soulevée depuis long-temps, et en abandonnant à chaque église ou à chaque paroisse le soin de s’administrer comme elle l’entend ; car dans plusieurs confessions, en Amérique, on distingue l’église et la paroisse ou la commune. Cette distinction se produit surtout chez les congrégationalistes, les presbytériens, les baptistes et les méthodistes. À l’église appartiennent les renouvelés et les ressuscités, que nous nommerions ici les dévots. La paroisse comprend tous ceux qui se rassemblent dans la même église pour prier ou pour y entendre la prédication. Les églises, c’est-à-dire les dévots, choisissent les prédicateurs ; la paroisse les accepte ou les refuse, et paie ceux dont elle a confirmé l’élection. La paroisse seule est capable de posséder. À l’église appartiennent seulement les objets qui ornent l’intérieur des bâtimens consacrés au culte. Du reste, chaque paroisse s’administre comme bon lui semble, sans que l’état s’en mêle ; et celui-ci aurait beaucoup de peine à faire accepter aux églises les dons qu’il voudrait leur faire, parce qu’elles soupçonneraient aussitôt qu’il veut s’immiscer dans leurs affaires, ou elles craindraient que le zèle des fidèles ne se ralentît. S’il était permis de juger du mérite absolu de l’institution qui sépare d’une manière si complète l’église de l’état en Amérique, par les résultats qu’elle y produit, ce jugement ne pourrait être que très favorable ; car les effets en sont vraiment merveilleux, particulièrement dans la Nouvelle-Angleterre, d’où est parti le développement social et historique de l’Union. Les sectes des congrégationalistes, des presbytériens, des baptistes et des méthodistes, sont celles qui manifestent le plus de zèle et de ferveur. Les principaux moyens dont elles se servent pour entretenir ou pour ranimer la foi des fidèles sont les revivals, les offices religieux pro-