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que furent vendus pour la première fois des nègres, en 1620, par des Hollandais. On alla plus loin encore : des prisonniers de guerre écossais, irlandais, et anglais y furent transportés et vendus pendant les dissensions qui divisèrent l’Angleterre. La Virginie offrit de bonne heure un contraste frappant avec le Massachussett sous le rapport intellectuel. Sir William Berkeley qui en avait été gouverneur, écrivait en 1671, dans son rapport sur l’état de la colonie : « Je remercie Dieu de ce que nous n’avons encore ici ni écoles libres, ni imprimeries, et j’espère bien que nous n’en aurons pas avant cent ans, car la science a amené la désobéissance et les sectes dans le monde, et l’imprimerie les a propagées. » Là vous ne trouvez que peu de villes et de fabriques, peu de routes, de canaux ou de chemins de fer. La vie aristocratique anglaise s’y est conservée. Les maisons des propriétaires y sont bâties dans le goût du XVIIe siècle, avec des tuiles souvent apportées d’Angleterre, et autour d’elles s’élèvent les nombreuses cabanes en bois des esclaves, dont la vie est à peu près tout entière occupée au service de leurs maîtres. Le ton y est plus distingué, les manières plus polies, la vie plus raffinée. Comme les affaires n’y absorbent pas tout le temps, il en reste toujours beaucoup pour le plaisir et l’étude. L’éducation y est plus soignée et plus complète que dans les états où elle est beaucoup plus répandue. Aussi les Virginiens, qui, jusqu’à l’année 1800, formaient un cinquième de la population des États-Unis, avaient fourni au congrès le sixième du nombre de ses membres ; et de 1789 à 1825, le siége du président de l’Union n’a été occupé que pendant quatre ans par un citoyen des autres états.

L’esprit aristocratique passa de la Virginie dans les deux Carolines, mais particulièrement dans celle du sud, qui lui doit en grande partie son origine. Le territoire de ces deux états fut concédé par le roi Charles II à huit seigneurs anglais, qui crurent faire une chose merveilleuse pour la prospérité de leur colonie en obtenant de Locke une constitution. Cette constitution transportait dans le Nouveau-Monde toutes les institutions de la Grande-Bretagne, le système féodal, les majorats, le parlement, la suprématie de l’église épiscopale et le jury ; mais vingt-quatre ans après son introduction, elle fut abolie à la demande unanime des habitans. La principale richesse de la Caroline du nord consiste dans ses mines d’or. Un lingot, trouvé par hasard au fond d’un ruisseau par un enfant qui tirait sur des poissons avec son arc, mit sur la trace des trésors que le sol recelait dans son sein. Malheureusement l’exploitation des mines qui l’enrichissent, en attirant une population très mélangée, et dont l’amour effréné du gain forme le caractère distinctif, a produit des résultats peu avantageux pour la moralité du pays. L’ivrognerie, le libertinage, la passion du jeu et tous les vices qui dépravent le cœur, y ont pris un effroyable développement.

La Georgie, le plus jeune des états planteurs de l’est, est en même temps le seul établissement qui ait été fondé sous la maison de Hanovre. Cet état se distingua de bonne heure par une dureté opiniâtre qui dégénéra plus d’une