Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/785

Cette page a été validée par deux contributeurs.
781
LES VICTIMES DE BOILEAU.

Renferme le jour qui me nuit
Dans tes plus sombres voilles ;
Haste tes pas, déesse exauce-moy,
J’ayme une brune comme toy
...............
Tous ces vens qui souffloient si fort
Retiennent leurs haleines,
Il ne pleut plus, la foudre dort,
Et je n’entends que les fontaines,
Et le doux son de quelques luts charmans
Qui disent les vœux des amans.

La même sensibilité, la même mélancolie, respirent dans ce passage où il reproduit l’effet de l’adagio :

Mes doigts suivant l’humeur de mon triste génie,
Font languir les accens et plaindre l’harmonie ;
Mille tons délicats, lamentables et clairs,
S’en vont à longs soupirs se perdre dans les airs,
Et tremblans au sortir de la corde animée
Qui s’est dessous ma main au deuil accoustumée :
Il semble qu’à leur mort, d’une voix de douleur,
Ils chantent en pleurant ma vie et mon malheur.

Ces jolis vers attestent l’organisation la plus musicale. En voici d’autres qui prouvent la vivacité du sentiment pittoresque :

Que c’est une chose agréable
D’estre sur le bord de la mer,
Quand elle vient à se calmer !
...........
Tantost, l’onde brouillant l’arène,
Murmure et frémit de courroux,
Se roullant dessus les cailloux
Qu’elle remporte et qu’elle entraîne.
...........
Tantost, la plus claire du monde,
Elle semble un miroir flottant,
Et nous représente à l’instant
Encore d’autres cieux sous l’onde.
Le soleil s’y fait si bien voir,
Y contemplant son beau visage,
Qu’on est quelque temps à sçavoir
Si c’est luy-mesme ou son image.

Les passages remarquables que j’ai cités ne composent jamais une