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REVUE DES DEUX MONDES.

Contre qui les ans mutinez
Ont déployé leur insolence !
Les sorciers y font leur sabat,
Les démons follets s’y retirent ;
.............
L’orfraye, avec ses cris funèbres,
Mortel augure des destins,
Fait rire et danser les lutins,
Dans ces lieux remplis de ténèbres !

Peu de poètes descriptifs ont aussi heureusement animé la peinture des objets naturels par l’expression du sentiment intime. Il a raison de dire que sa poésie est inspirée, vacillante,

Pleine de licence et d’ardeur.
Mon esprit changeant de projet
Saute de pensée en pensée :
La diversité plaist aux yeux,
Et la vue enfin est lassée
De ne regarder que les cieux.
.............
Tantost chagrin, tantost joyeux,
Selon que la fureur m’enflâme,
Et que l’objet s’offre à mes yeux,
Les propos[1] me naissent en l’âme,
Sans contraindre la liberté
Du démon qui m’a transporté.

Il eût fait assurément de grandes œuvres, s’il eût vécu jeune et long-temps dans cette solitude qu’il appelle l’élément des bons esprits. Il a des émotions naïves pour tous les bruits et tous les spectacles de la nature :

Que l’eau fait un bruit agréable,
Tombant sur ces feuillages verds !
Et que je charmerois l’oreille,
Si cette douceur nompareille
Se pouvoit trouver en mes vers.

Peu de romances françaises sont aussi délicatement harmonieuses que les deux strophes suivantes :

Paisible et solitaire nuit,
Sans lune et sans estoilles,

  1. Propos, « propositi, » pensées, imaginations.