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REVUE. — CHRONIQUE.

le ministère du 15 avril a été l’objet ; nous désirons qu’il les mérite également par son ardeur à défendre l’ordre et à pratiquer les principes de modération qui avaient rendu le calme à la France. Déjà nous avons entendu, dans la discussion des fonds secrets, les adversaires du cabinet actuel regretter les ministres du 15 avril, et déclarer que ces derniers étaient plus indépendans, plus parlementaires que les membres du nouveau ministère. Nous avons vu avec plaisir que les anciens ministres du 15 avril présens dans la chambre n’acceptaient pas cette manière de revenir sur les attaques dont ils avaient été l’objet, et qu’ils ont repoussé, par la bouche de M. de Salvandy, ces éloges dont la source leur paraissait un peu suspecte. M. de Salvandy s’est montré en cela fidèle à son caractère honorable, et il a accompli la promesse qu’il avait faite, au nom de ses collègues, de ne pas imiter la coalition, et de ne pas retourner sur leurs bancs de députés ou de pairs pour susciter systématiquement des embarras au pouvoir. Toutefois, l’acte de générosité et de loyauté de M. de Salvandy ne donnera pas au cabinet actuel la force qu’il n’a pas, et que nous lui souhaitons. Les membres de la coalition qui y figurent peuvent profiter de ce bon exemple, donné par un ancien ministre ; mais ce bon procédé n’affaiblira pas le souvenir des actes de la coalition. C’est ainsi que les meilleures intentions se trouvent déjouées par l’effet de la position du pouvoir actuel, et que ceux qui le traitent avec le plus de bienveillance ne parviennent pas à le servir en réalité.

Sachons gré néanmoins à M. de Salvandy d’avoir établi, par son témoignage, que la méthode adoptée par le ministère actuel pour la tenue des conseils a été pratiquée par d’autres ministères. Il est de notoriété que des conseils avaient lieu sans cesse pour les affaires courantes, hors de la présence du roi, et que dans ces conseils se traitaient tous les intérêts publics. C’est en répétant chaque jour le contraire qu’on est parvenu à fausser l’opinion, et l’ancien ministre de l’instruction publique a eu raison de reconnaître le danger qu’il y a de n’opposer que le silence à de fausses assertions. Toutefois, nous n’avons jamais cessé de combattre celle-ci, et d’affirmer que de grandes affaires politiques, celles de Suisse, par exemple, avaient été traitées en l’absence du chef de l’état. Mais les feuilles de la coalition répétaient chaque jour que le ministère n’était ni responsable ni parlementaire ; et, en pareil cas, c’est trop souvent la persévérance du plus grand nombre qui l’emporte sur la vérité.

Des paroles telles que celles qui ont été prononcées dans la chambre par M. de Salvandy, à l’occasion des fonds secrets, ne peuvent que ramener les partis aux idées de justice et de convenance dont ils ne se sont que trop écartés depuis un an. L’impression favorable que nous avons reçue de ce discours est trop vive et trop entière pour nous permettre d’approuver la guerre qui se fait en ce moment, au nom des principes d’ordre et de modération, à l’un des hommes les plus éminens du centre gauche, resté hors du pouvoir. Nous parlons de M. Thiers. C’est au nom même de l’habileté et du dévouement au trône dont a fait si souvent preuve la feuille qui le combat