tion dans un congrès, l’Angleterre, qui s’est opposée depuis neuf ans à notre établissement à Anvers et dans les ports de la Belgique, ne nous laisserait pas donner le Rhin pour frontière. Le statu quo en Orient ou un pied assuré en Égypte, telle doit être la politique de la France. C’est donc une double tâche que la France se trouve avoir à remplir, et deux influences qu’elle doit limiter, celle de la Russie au Bosphore, et celle de l’Angleterre aux bouches du Nil.
De telles vues ne peuvent affaiblir l’alliance de la France et de l’Angleterre, qui est basée sur des intérêts communs. Quelques esprits par trop prévoyans s’inquiètent d’un ministère tory et d’une alliance anglo-russe. Une telle union est impossible ; elle se romprait aussitôt qu’elle serait conclue, dans chaque port, dans chaque bazar, dans chaque comptoir de l’Orient. La France, au contraire, en se montrant avec dignité l’alliée et non le satellite de l’Angleterre, jouira de toute sa force et de l’influence que donne un désintéressement non contesté. La France seule peut désirer, sans arrière-pensée, que Constantinople et Alexandrie, que la Turquie et l’Égypte, se conservent comme états indépendans, avec cette hiérarchie nominale que la suzeraineté établit entre eux. Voilà donc une politique toute faite, dont toutes les conséquences peuvent être prévues d’avance, et qui ne doit laisser d’incertitude dans aucune des circonstances qui vont se présenter.
Un fait moral doit surtout frapper tous les hommes intelligens : c’est que, dans cette question d’Orient, la France ne peut être regardée, même par les esprits les plus prévenus contre elle, comme un instrument de désordre en Europe. Elle se présente, au contraire, tout naturellement, dans cette circonstance, comme défendant les intérêts de l’ordre européen. Elle n’a là aucun intérêt révolutionnaire. Elle est plus intéressée à la paix du monde qu’aucune puissance, et elle plaide à la fois à Constantinople pour l’Autriche, pour la Prusse, pour l’Allemagne, en défendant le système d’équilibre général où figurent ces états. C’est là ce qui doit faire la force de la France, et l’encourager à parler haut. Personne, en un mot, n’est plus intéressé que la France à faire triompher, en Orient, ce principe : maintenir. Mais si ce principe succombait, si toutes les puissances qui se sont agrandies sans relâche depuis 1815, tandis que la France, diminuée alors, est restée stationnaire, si toutes ces puissances voulaient encore s’étendre, la France manquerait alors à tout ce qu’elle se doit, si elle ne s’assurait un poste avancé vers l’Orient, et ce poste, nous l’avons dit, c’est le pays où nous avons laissé de si beaux souvenirs.
Mais il faut que l’autorité du gouvernement s’affermisse en France pour que nous soyons influens ailleurs. Nous pourrions demander si le ministère actuel est dans les conditions nécessaires pour donner au pouvoir cette force de cohésion dont il a tant besoin, car jamais les affaires extérieures n’ont nécessité une direction plus ferme et plus expérimentée. Là-dessus, les dernières nouvelles d’Orient ne peuvent laisser aucun doute. Les déclarations du gouvernement, dans la discussion des fonds secrets, révèlent aussi de sérieuses difficultés intérieures. Elles prouvent que les associations politiques ont con-