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déclarait avoir défendu à son généralissime de faire aucun mouvement avant d’être sûr du mouvement des troupes du grand-seigneur. L’armée turque qui se présente au revers de la Syrie, est forte de 50,000 hommes environ, divisée en trois corps. C’est le second corps de cette armée, composé de 20,000 hommes, qui aurait passé l’Euphrate à Byr, tandis que le premier, appuyé à la rive gauche, attendrait les renforts que doit amener le pacha de Bagdad, et que le troisième, de 15,000 hommes comme le premier, garderait les défilés des monts, dont la possession assure la communication avec Constantinople. Selon les mêmes nouvelles, le vice-roi aurait encore la moitié de ses forces en Syrie, à peu près 100,000 hommes, dont 71,200 d’infanterie, et 27,900 de cavalerie. Dans ce nombre figurent 4,900 hommes formant trois régimens d’artillerie. Ces troupes sont mieux exercées, mieux commandées que celles des Turcs, et l’on voit, par les chiffres, que l’issue de cette lutte ne serait guère douteuse. Tandis que les troupes turques prennent ainsi position sur la limite du pachalik de Diarbekir, Ibrahim-Pacha occupe celui d’Alep avec 30,000 hommes réunis dans un camp de manœuvres près de la ville de ce nom, prêt à marcher vers l’est, et à envoyer Soliman-Pacha dans l’Anatolie, avec un corps de 35,000 hommes. D’un autre côté, Kurschid-Pacha opère déjà dans l’Arabie, et s’est emparé, dit-on, d’une île du golfe Persique, non loin du Schattel-Arab. La guerre se trouverait ainsi portée dans deux directions, et amènerait une complication nouvelle, car l’Angleterre, mécontente de la Turquie, mécontente du pacha qui a refusé au colonel Campbell, consul-général d’Angleterre, l’autorisation de laisser passer 6,000 hommes de troupes anglaises sur le territoire égyptien ; l’Angleterre proteste contre la marche de Kurschid-Pacha dans l’Arabie, et menace de regarder tout progrès ultérieur comme une déclaration de guerre.

Tous ceux qui ont examiné avec quelque suite la marche des affaires politiques en Orient, ont remarqué la direction adoptée par le cabinet anglais depuis quelques années. Plus frappée des progrès de la Russie en Perse et dans les petits khanâts de l’Orient, que satisfaite des améliorations apportées dans la navigation à vapeur, et de la rapidité, presque double en vitesse, avec laquelle elle peut porter ses troupes et ses dépêches vers ses possessions des Indes Orientales, l’Angleterre cherche à s’ouvrir une autre route. Cette route est l’Égypte, l’ancienne voie commerciale du moyen-âge. Tant que l’Angleterre s’est regardée comme maîtresse incontestée de l’Inde, n’ayant à y lutter qu’avec les Birmans, les Mahrattes et les autres nations indigènes, elle s’est contentée de cette seule voie de communication qui s’ouvrait à elle, en affrontant les tempêtes du cap de Bonne-Espérance et du canal de Mozambique ; aujourd’hui il lui faut une voie plus prompte et plus facile. La ligne d’opérations qu’elle projette, ligne à la fois commerciale et militaire, doit s’étendre d’abord de la côte maritime de l’Égypte à la mer Rouge ; et c’est pour obéir à la fois à cette double pensée, que le gouvernement britannique a fait deux tentatives qui ont également échoué près du pacha : la demande d’un passage