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LA GRÈCE ORIENTALE.

tout couvert de neige, s’élevait le mont Œta, où Hercule alla se brûler sur un bûcher. L’Œta domine une grande étendue de pays ; le suicide du demi-dieu pouvait donc être aperçu de loin et de beaucoup de lieux. Pour atteindre cette montagne, de l’île d’Eubée où il reçut la robe empoisonnée, Hercule avait une assez longue route à faire. Il dut traverser la mer, longer l’épine dorsale de Lycas, prendre terre à Neo-Chorio, passer le défilé des Thermopyles, longer à droite les marais du Spercus, et gravir les gigantesques degrés de l’autel où devait s’accomplir son sacrifice. Tout cela demande bien une quinzaine d’heures, encore faut-il que le vent soit bon pour traverser le golfe, et qu’on ne s’arrête pas en chemin.

Avant le mont Œta, que nous laissâmes à gauche, pour aller à Zeitoun, nous passâmes par le défilé des Thermopyles. Nous nous dirigeâmes d’abord vers les sources d’eau chaude, dont nous mesurâmes la température à la sortie du bassin qui reçoit la source principale. Cette température était de 34 degrés Réaumur, et de petits poissons s’y agitaient en grand nombre. Ces eaux sont salines ; elles ont une légère odeur sulfureuse, et elles contiennent de la glairine, qui s’attache aux cailloux et flotte en longs filamens, selon le cours de l’eau.

À l’époque où la mer était moins éloignée de la montagne, la défense du passage devait être on ne peut plus facile ; tel qu’il est encore maintenant, il ne serait pas aisé de le forcer. Nous aurions voulu pouvoir saluer le tombeau des trois cents Spartiates ; mais nul ne sait où leurs cadavres sont ensevelis.

Nous sommes allés de Neo-Chorio à Zeitoun en six heures. Zeitoun est une ville qui n’offre rien d’intéressant au voyageur. Aussi n’y ai-je séjourné que le temps rigoureusement nécessaire pour remplir la mission qui m’y avait attiré. J’étais heureux de quitter la région des neiges pour aller me chauffer de nouveau au soleil d’Athènes. Il nous fallut traverser encore les Thermopyles ; il faisait froid, il tombait de la neige ; la température des eaux thermales avait baissé ; les poissons ne se montrèrent pas.

Avant d’arriver à Neo-Chorio, en revenant de Zeitoun, on trouve un chemin qui conduit à Athènes sans passer par Chalcis. Nous prîmes cette route, car elle était nouvelle pour nous. On entre d’abord dans une riche vallée, ombragée par d’énormes platanes ; à l’endroit où cette vallée finit, se trouve un pauvre village, dont les maisons ont des murailles en osier tressé comme une corbeille ; une couche d’argile préserve l’intérieur de l’action de l’air. C’est là que nous couchâmes. Toute la nuit, la neige tomba avec une telle abondance, que, le lendemain, les guides et l’escorte refusèrent presque de se mettre en chemin. Cependant nous exprimâmes notre volonté avec tant d’énergie, que l’on se mit en route. Nous eûmes à franchir le mont Cnémis. Il nous fallut trois heures pour atteindre le sommet de la montagne, d’où nous découvrîmes la plaine de Livadie, qui s’étend jusqu’au pied du Parnasse, plaine plus riche, plus vaste et mieux arrosée que nos vallées de la Limagne et du Grésivaudan. C’est là qu’est l’avenir agricole et manufac-