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par son traité de l’immatérialité de l’ame, en réponse à Faustus. Sidoine lui-même rappelle à un ami qu’ils ont étudié ensemble les catégories d’Aristote. Outre les platoniciens et les péripatéticiens, il y avait des épicuriens. On en parle sans cesse pour les réfuter : Salvien les avait déjà combattus.

Chez Sidoine, la philosophie, comme tout le reste, a tourné à la rhétorique, mais on voit qu’il connaissait les divers systèmes. Il aime à étaler ses connaissances sur ce sujet jusque dans ses poésies, dans l’éloge d’Anthemius. Racontant les études de cet empereur, il en prend occasion d’énumérer les principaux philosophes de l’antiquité ; arrivé à Aristote, il se sert en parlant de lui de cette expression remarquable : « Les filets que tend Aristote à l’aide de ses syllogismes. » Ne sont-ce pas déjà les ruses de la scolastique ? Dans l’épithalame de son ami Paulinus, sous prétexte que Paulinus est un sage, et assez mal à propos pour la circonstance, Sidoine trace longuement l’histoire de la philosophie, et rassemble tous les philosophes de l’antiquité dans un temple, idée souvent reproduite au moyen-âge, et dont l’École d’Athènes, de Raphaël, est une traduction sublime.

La correspondance de Sidoine Apollinaire nous révèle beaucoup d’hommes de lettres célèbres dans son temps, et dont sans lui les noms ne seraient probablement pas parvenus jusqu’à nous. Comparant les uns à Virgile ou à Homère, les autres à Cicéron, il ne se fait pas faute de ces louanges exagérées qu’on prodigue surtout dans les siècles de décadence. Il adresse à Consentius soixante-dix vers d’éloges, et met toute l’antiquité à ses pieds : sans cette tirade, qui aurait jamais entendu parler de Consentius ? Un certain Jean était, selon Sidoine, le seul homme qui pût sauver les lettres ; aussi n’ont-elles point été sauvées. Bien que tous ceux que vante notre auteur ne méritent certainement pas ses louanges, il est important de savoir qu’à cette époque il y avait en Gaule un aussi grand nombre d’hommes entretenant un commerce épistolaire assidu, formant une espèce de franc-maçonnerie, ou, si l’on veut, de camaraderie littéraire. On ne peut refuser quelque sympathie et quelques regrets à ces derniers zélateurs des lettres antiques. Les soleils d’automne sont pâles, mais on les contemple avec un charme particulier, parce qu’après eux il n’y a plus que l’hiver.

Sidoine lui-même, malgré tous les éloges de convention qu’il adresse à ses amis, avait parfois le sentiment de cette fin prochaine des lettres. À cet égard, il allait sans cesse de l’enthousiasme au découragement ; tantôt il disait : La plupart aujourd’hui cultivent des