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SIDOINE APOLLINAIRE.

teur, il vante la division, le style, passe en revue tous les philosophes de l’antiquité, pour les immoler à Faustus et montrer sa propre érudition, mais ne dit rien du sujet ; ce sont quatre pages d’une admiration si vague, qu’il est impossible de savoir de quoi il s’agit dans l’ouvrage admiré.

Il y a plus ; malgré la nouvelle profession de Sidoine, souvent une habitude invétérée ramenait dans son langage des expressions tout-à-fait païennes. Ainsi, écrivant à Patient, évêque de Lyon, qui avait envoyé avec une admirable charité, dans un temps de famine, du blé à plusieurs villes, à plusieurs provinces de la Gaule, l’évêque Sidoine compare l’évêque Patient à Triptolème. Il s’avise pourtant que la similitude pourrait scandaliser celui auquel il l’adresse, et se hâte de réparer la chose de son mieux en le comparant au patriarche Joseph ; allant ainsi de Triptolème à Joseph, de la fable à l’Écriture sainte, sans transition, et comme un homme plus habitué à la première qu’à la seconde.

Une autre fois il envoie à un de ses amis la vie d’Apollonius de Thyane, ce célèbre imposteur que les ennemis du christianisme opposaient au Christ. Sidoine Apollinaire ne parle d’Apollonius qu’avec un enthousiasme presque sans restriction ; il l’appelle « notre Apollonius ; » et, voulant faire honneur au ministre du roi goth, auquel il écrit, il le compare à Apollonius, sauf la foi catholique, restriction jetée entre deux parenthèses. Il semble qu’on entende le « si ce n’est que le ciel, » de Molière.

Ce n’est qu’après sa promotion à l’épiscopat qu’il publia ses lettres : ainsi, quelle que soit l’époque de leur composition, elles ont été approuvées, revues, éditées par Sidoine, évêque. Par conséquent son christianisme et son épiscopat sont responsables de toutes les légèretés et allusions profanes qui peuvent s’y rencontrer.

Il a choisi, comme il le dit lui-même, Pline le Jeune pour son modèle ; il imite également Symmaque, qui lui-même imitait déjà Pline : c’est donc l’imitation d’imitation, l’imitation à la seconde puissance. Le nombre des livres dont se compose son recueil est emprunté de Pline et de Symmaque. Comme l’inintelligible Ennodius, il s’élève fortement contre ceux dont le style a de l’obscurité. Je ne sais ce qu’il peut y avoir de plus obscur que le langage de Sidoine.

Il composa, en outre, quelques vers chrétiens ; ces vers ont les défauts et n’ont pas les qualités de sa poésie profane. On voit que ce sont des vers de pénitent ; c’est de la rhétorique sur des sujets religieux auxquels elle s’applique fort mal.