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ses nouveaux sentimens, la légèreté, la gaieté de l’homme du monde et de l’homme de lettres d’autrefois, ne l’abandonnent pas tout-à-fait, ou du moins ne l’abandonnent que par degrés. On retrouve encore le rhéteur enjoué, plutôt que le grave évêque, dans des lettres adressées à différens personnages de l’église gauloise. Il raconte longuement à l’un d’eux l’histoire assez plaisante d’un aventurier qui est parvenu à s’introduire dans une riche famille dont il a épousé l’héritière ; un vrai sujet de comédie : le tout entremêlé de joyeusetés et de bons mots, comme celui-ci : « Rien de plus pesant en voyage qu’une bourse vide » (nihil viatico gravi levius).

Ailleurs, Sidoine dit naïvement et assez gaiement qu’il ne veut pas, pour son compte, nourrir des tristesses inutiles, et il écrit à Philagrius : « On te dit très jovial ; moi je regarde comme perdues toutes les larmes qu’on pourrait verser hors de la prière… Penses-tu qu’il faille jeûner de deux jours l’un, je te suivrai. Faut-il dîner, je n’ai pas honte de te devancer. »

Dans une lettre, dont l’intention générale était pieuse, il laisse encore échapper des légèretés un peu profanes. Ainsi, parlant des cérémonies qui avaient précédé les rogations, il dit : « On priait alors au hasard pour demander la pluie ou le beau temps ; ce qui, pour ne rien dire de plus, ne pouvait convenir au potier et au jardinier. » Dans vingt endroits, on voit combien Sidoine était peu théologien, combien il était peu au courant des discussions, particulièrement de cette discussion du pélagianisme, qui passionnait si vivement tous les esprits véritablement sérieux et distingués. Mamert Claudien lui avait dédié sa réfutation du traité de Faustus sur la matérialité de l’ame : Sidoine ne manque pas de répondre à cette dédicace par une épître pleine de louanges hyperboliques, mais prouvant à merveille qu’il ne sait pas de quoi il est question dans le livre qu’on lui a dédié. Voici ce qu’il y trouve : « Une doctrine unique et singulière qui se produit dans l’affirmation de diverses vérités, qui a pour coutume de philosopher de chaque art avec l’artiste qui l’exerce, qui ne refuse pas de tenir l’archet avec Orphée, le bâton avec Esculape, la baguette du géomètre avec Archimède, l’horoscope avec Euphrates, le compas avec Perdix, le fil d’aplomb avec Vitruve. » Je ne sais trop ce que veut dire ce galimatias ; ce qui est certain, c’est que rien au monde ne ressemble moins que tout cela au contenu de l’ouvrage de Mamert. Il en est de même de la lettre de Sidoine à Faustus, au sujet d’un ouvrage de ce célèbre semi-pélagien sur des matières controversées alors avec tant d’ardeur. Sidoine loue le théologien en rhé-