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SIDOINE APOLLINAIRE.

avec cette période de Villehardoin, empreinte de la majesté de l’objet qu’il veut peindre : « Or poez savoir que mult esgarderent Constantinople cil (ceux) qui onques mais ne l’avoient veue, et que il ne pooient mie cuider que si riche ville peust être en tot le monde, cum il virent ces halz murs et ces riches tours dont ere (elle était) close tot en tor à la reonde et les riches palais et les haltes yglises, dont il y avoit tant que nuls nel poist croire, s’il ne les veist à l’œil, et le lonc et le lé (le long et le large) de la ville qui de totes les autres ere soveraine. »

Ce que constate ce panégyrique, c’est donc l’avénement de l’Orient et la chute de l’Occident : ce double fait se manifeste non-seulement dans ce que Sidoine dit en son propre nom, mais dans ce qu’il fait dire à Rome elle-même. L’Italie va chercher le Tibre au fond de son antre, où il dort au milieu des roseaux, à peu près comme le Rhin dans l’épître de Boileau. Elle réveille le vieux fleuve et lui conseille d’aller trouver Rome, de l’engager à se rendre auprès de l’Aurore pour lui demander un défenseur.

Rome, dans ce discours, exprime toute son infériorité vis-à-vis de l’Orient. Elle rappelle ce qu’elle lui a cédé : elle lui a cédé tout un monde, tout un hémisphère. Pour prix de ce qu’elle a abandonné, de la Syrie, de la Grèce, de l’Égypte, Rome supplie l’Aurore de protéger sa vieillesse, et lui demande Anthemius ; l’Aurore accorde à Rome sa requête. « D’ailleurs, dit-elle, ce n’est pas la première fois que je suis venue en aide à l’Occident. J’ai envoyé autrefois Memnon au secours de la patrie d’Iule, père de la race des Césars. » Sidoine va chercher les plus vieux souvenirs de l’histoire mythique pour les mettre en rapport avec les évènemens du ve siècle.

Ce troisième panégyrique, qui ne valait pas mieux que les deux premiers, lui réussit fort bien, et attira de grandes distinctions sur sa tête ; il fut nommé patrice, et eut les honneurs d’une statue dans le forum de Trajan. Lui-même dit assez naïvement que si son poème n’est pas un bon ouvrage, ce fut, au moins, une bonne affaire.

Outre ces trois panégyriques, Sidoine avait composé, surtout dans sa jeunesse, un bon nombre de poésies dont quelques-unes nous ont été conservées ; ce sont des impromptus de circonstance ou des tours de force descriptifs ; c’est toujours la poésie tourmentée, frivole et parfois ingénieuse d’Ausone, seulement écrite cent ans plus tard ; par conséquent, cette poésie est devenue à la fois plus pédantesque, plus maniérée et plus barbare.

Pour Sidoine comme pour Ausone, le plus petit incident de la vie